Épigrammes vénitiennes de 1790

Publié le 31 mars 2015 par Oliaiklod @Olia_i_Klod

Goethe arrive à Venise pour la seconde fois le 31 mars 1790.

En 1790, Goethe part une nouvelle fois pour l’Italie, mais, cette fois-ci, l’exaltation qui avait accompagné la descente vers Rome, lors du premier voyage de 1786, a disparu. « Je pars cette fois à contrecœur de la maison » écrit-il. Il doit se rendre à Venise pour y attendre la duchesse douairière Anna Amalia, qui accomplit pour son propre compte un périple en Italie. Goethe est alors dans la force de l’âge, il va avoir 41 ans.

« Je dois avouer en confidence, écrit-il au duc, que ce voyage porte un coup mortel à mon amour pour l’Italie« . En ce printemps particulièrement pluvieux, la ville des canaux et des palais n’est plus qu’un cloaque d’eau sale, « un nid de pierre et d’eau » (lettre à Herder du 15 avril) : Venise tout entière semble plongée dans l’ordure (in bragora, im Kot, n° 24). Les habitants drapés dans leur rouge manteau, le tabarro, se métamorphosent en grenouilles (« Je suis maintenant parmi les amphibies »), et Goethe, qui avoue au duc être devenu « un peu plus délicat », ne supporte plus ce qu’il décrit dans une lettre à Herder comme « la vie de bauge de cette nation » (das Sauleben dieser Nation) (lettre à Herder du 3 avril). Én outre, dans cette grande ville moderne et maritime, Goethe éprouve avec une intensité nouvelle le sentiment jusqu’ici inconnu de la solitude : la solitude de l’homme désoeuvré et impatient au milieu de la foule affairée et bruyante, et non plus cette solitude bienfaisante et consolante que Werther allait chercher au sein de la nature dans la campagne autour de Wetzlar. La solitude de Werther procure encore une manière de communion avec les autres êtres, voire avec une « multitude innombrable de vermisseaux et d’insectes » et le Tout de la nature, tandis que la solitude de celui qui se sent exilé dans la grande ville, parmi les autres, lui interdit toute communication … « Si seulement j’avais eu un ami ou une amie auprès de moi ces dernières six semaines » écrit-il à Charlotte von Kalb, l’amie de Schiller, le 30 avril 1790.

Il va écrire, sur ce voyage, un recueil souvent négligé, à cause de son ton caustique et de sa tonalité érotique : les Épigrammes vénitiennes de 1790 ; un recueil dépourvu de toute dimension lyrique, et qu’entoure une réputation d’obscénité. Goethe y fait entendre un ton nouveau et surprenant, amer, maussade, violent, mordant, voire sacrilège.

Elle devient de plus en plus agile, Bettina ;
Et cela ne cesse de me préoccuper.
Fléchissant toujours plus adroitement ses membres,
Elle va finir par plonger sa petite langue
Dans l’eau de sa fontaine.
Elle ne jouera plus alors qu’avec elle,
Sans plus se soucier des hommes.

La duchesse Anna Amalia finira par arriver à Venise le 6 mai et Goethe prendra avec elle le chemin du retour le 22 mai, pour regagner Weimar en juin.