Toddler 5 est toujours plâtré, la chose lui tient toute la jambe droite, et lui enserre entièrement les hanches. Il ne peut donc pas s’assoir, et même si il pédale allègrement sur le canapé avec sa jambe libre, il ne marche pas. C’est joyeux pour un petit garçon qu’on peut habituellement qualifié d’actif pour être poli (ou de sale gosse surexcité, c’est selon les points de vues) d’être en position allongée depuis 4 semaines. Pourtant, il s’habitue.
Il s’ennuie, mais il a très vite trouvé de nouvelles marques. La capacité des enfants à s’adapter me laisse béate d’admiration. Je le regarde hurler de rire à faire rouler ses petites voitures sur son plâtre: vroum, vrouuuuum…poum! Il fait des accidents, ça l’enchante. Je suis sûre que c’est à cause d’une overdose de Fireman Sam. Ce pompier est dangereux, on se prépare à des générations de pyromanes et serial killers à cause de lui. Mais je m’agace m’égare. Je me demande comment fait Toddler 5… On s’habitue à tout. Il a compris comment se retourner sur le ventre sans se faire mal, et comment taper sur la tête de ses soeurs avec son plâtre quand elles sont assises par terre à côté de lui devant la télé. Je ne parle même pas de la gymnastique désopilante pour les couches. Au pluriel, parce qu’il faut lui en mettre deux: une trop petite qu’on doit glisser comme on peut sous les interstices du plâtre et la deuxième trop grande qui se met par-dessus le tout. Elle est sensée tenir la première en place. Au départ, Toddler 5 n’était pas rassuré, maintenant ça le chatouille et il se trémousse comme un fou, ce qui n’aide pas. Forcément à force de rire, une fois sur deux, il fait pipi. Et je rappelle qu’il ne faut pas mouiller le plâtre. C’est super pratique. Je ne sais pas qui a eu l’idée de ce montage, mais je suis formelle, ça ne marche pas
Toddler 5 ne peut pas prendre de bain, il faut le laver avec une petite éponge. Ça l’amuse aussi beaucoup. Il ne peut pas s’assoir pour manger. Au début, il râlait et voulait rejoindre le reste de la tribu autour de la table. Maintenant, il est ravi de redécorer le canapé prendre son repas allongé devant la télé et refuse de venir sur les genoux pour manger avec nous. Il a mis au point un système pour se déplacer au sol, moitié en rampant moitié en pédalant de la jambe gauche qui terrorise la chatte. Il sait se soulever un peu pour attraper ce qu’il veut dans son coffre à jouets. Bref, il vit sa vie, avec son plâtre. Il a bien sûr des moments de colère où il essaie de l’enlever, mais il s’amuse aussi. Il s’est adapté.
Ce qui est drôle (j’ai un sens de l’humour particulier), c’est que j’ai passé mon adolescence (jusqu’à 18 ans) enfermée dans un corset orthopédique en plastique et tiges en métal. Je ne pouvais pas m’assoir dans des fauteuils trop mous sous peine de voir la chose remonter et m’étrangler sauvagement, je ne sortais pas (vous avez déjà essayé de vous amuser en portant une armure?), j’avais une vie sociale extrêmement limitée, je ne faisais pas de sport, mais j’y ai aussi trouvé des tas d’avantages (en plus de celui de me remettre la colonne vertébrale plus ou moins droite). Je pouvais foncer tête baissée partout, même à travers une foule compacte (la queue pour la cantine au lycée…), même pas mal. Ça m’a fait bizarre la première fois que je me suis pris une porte après avoir enlevé mon corset et que je me suis retrouvée couverte de bleus. Allongée, mon armature me servait avantageusement de tablette, même pour y poser des truc chauds. L’espèce de plaque qui remontait au niveau de la poitrine faisait accoudoir. J’ai développé une souplesse des orteils surprenantes, ne pouvant pas me pencher, j’attrapais tout ce qui était trop bas avec les pieds…
Grâce à mon corset, j’ai échappé en grande partie aux errements vestimentaires des eighties. Imaginez un peu, avec ma carapace, je ne pouvais même pas mettre un jeans, alors les mini-jupes à volants et les hauts moulants trop petits, ce n’était pas pour moi (bon d’accord, je me suis rattrapée après …). Et j’essayais plutôt de passer inaperçue avec mes tiges en métal qui ressortaient bizarrement, le néon flashy, ce n’était pas mon truc non plus. J’avais aussi une excuse parfaite pour éviter les discussions de filles auxquelles je ne comprenais rien et continuer à parler foot et rugby avec les garçons, sans que personne ne pense à mal (un corset orthopédique, ça donne un look de footballeur américain). Bref comme Toddler 5 avec son plâtre, je m’étais adpatée.
A midi, Toddler 5 a enfin compris comment bien caler son assiette sur le plâtre pour manger tranquillement sans en flanquer partout. C’est une bonne chose pour le canapé. En ce moment, il joue aux marionnettes Peppa Pig avec PrincesseDiva, et rit aux éclats. Je ne suis pas sûre que son plâtre lui manque quand on lui enlèvera, mais il ne l’aura pas empêcher de s’amuser!
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