Ég er Charlie : hommages d’Islande (2)
Ég er Charlie : hommages d’Islande (3)
L’une de mes filles m’a posé la question :
T’en penses quoi toi papa de ce qui s’est passé ?
Je n’ai pas bien su quoi lui répondre. Je veux dire que la plupart des choses avait été détaillée et répétée mille et une fois. Coups de feu contre coups de crayon : pas très fair ! Massacre d’innocents désarmés : minable ! Dire de ceux qui ont fait ça qu’ils étaient trop incultes et endoctrinés pour comprendre ce qu’ils faisaient : insuffisant ! Prétendre qu’il y aura toujours des crétins ignares et fanatiques pour freiner l’évolution de l’humanité : pas une excuse !
Je lui ai dit que maintenant ce qui m’inquiétait le plus, c’est que les Charb, Cabu, Wolinski et consorts qui vivent encore, s’auto-censurent, qu’ils soient censurés, ou pire : qu’ils nous abreuvent de blagues tièdes, de symboles mous, d’irrévérences de salon, en les présentant comme des manifestations exceptionnelles d’impertinence et de transgression. Je lui ai dit qu’il fallait espérer que les quelques caricaturistes et chroniqueurs de talents encore en exercice ne cherchent pas l’inspiration chez les téméraires journalistes des Inrocks ou la non moins courageuse direction de Canal+, lesquels, certainement, se trouvaient Place de la République pour crier « même pas peur ! », l’autocollant « Je suis Charlie » rivé sur le front.
La liberté d’expression des uns s’arrête parfois là où commence les irrépressibles envies de répression des autres.
Ce rendez-vous national de dimanche dernier fut sans doute le point d’orgue de la semaine qui venait de s’écouler. Près de 4 millions de français s’étaient déplacés pour cette « marche républicaine ».
Alors pourquoi mon estomac faisait-il de fort déplaisants gargouillis les jours suivants ?
Était-ce la présence de certains gouvernants de la planète, paradant la bouille en boîte de foie de morue périmée autour de François Hollande ? Il est vrai que notre Président, porte-parole et défenseur assez récent et auto-proclamé d’une liberté d’expression dont il ne maîtrise pas encore très bien les pré-requis, avait cru malin de convier les représentants de nations autant enclins à promouvoir la liberté d’expression en général et celle de la Presse en particulier qu’Aymeric Caron se délecterait de couilles de mouton farcies. Organiser une marche pour la défense de la liberté d’expression bras dessus bras dessous avec ceux-la même qui perpétuent son éradication, il fallait oser. Mais comme disait Audiard, « les cons ça osent tout c’est d’ailleurs à ça qu’on les reconnaît ».
Les postures politico-médiatiques sont à la représentation symbolique ce que les packagings sont aux produits de grande consommation : des leurres ! Sous l’éclat coloré et appétent de l’emballage, le plus souvent, c’est moche et fade.
À moins que ce ne fut la présence du petit, tout petit Nicolas; tellement petit qu’il parvînt discrètement à se faire une place qui n’était pas la sienne au côté de ses anciens condisciples.
Qui s’émeut encore de ces mensonges démasqués, de ces contradictions mises à jour, de ces opportunismes déplacés, de ces lâchetés répétées ? Au royaume des nuls et des sots les médiocres sont rois. Et moi je suis un crétin impuissant et dépité, subissant les subterfuges grossiers de ces pitres qui s’approprient l’horreur et la tristesse qu’elle engendre pour donner le spectacle vulgaire et insipide d’une prétendue liberté à défendre. Ainsi va ce monde qui a des raisons que le coeur ignore.
Rassurez-vous : la nausée s’est estompée jusqu’à totalement disparaître. Le silence de mes compatriotes, bien plus digne et émouvant que la représentation affligeante de ces brochettes pathétiques, eut raison de mes aigreurs d’âme, dont on se contrefout il est vrai.
Ce qui m’a redonné la patate, c’est la réaction (d’une bonne partie) des islandais sollicités depuis lundi dernier. Des femmes et des hommes auxquels j’ai demandé (grâce à l’aide précieuse de quelques copines et copains insulaires que je remercie au passage) de nous faire parvenir quelques lignes. Des témoignages qui vous sont livrés ci-après.