Il y a peu avaient lieu les « Asian Games », sorte de jeux olympiques pour la région Asie. La Thaïlande, bien évidemment, y participait et, même si j'ai suivi cela de loin, à lire les journaux du pays, les athlètes thaïs ont brillé. La Thaïlande a même remporté, là où on ne l'attendait pas, une médaille d'or en cyclisme féminin alors qu'habituellement, boxe, taekwondo, takreaw, tir, badminton et autres, considérés telles des niches sportives au niveau internationale, sont plutôt leur chasse gardée !
Jutatip Maneephan, une demoiselle native de Roi Et eh oui! contre toute attente a gagné la course et donc la médaille d'or. Levée du drapeau et hymne nationale ! La fierté nationale est chez le thaï un sentiment naturel et j'oserai dire méticuleusement imprégné par des années de conditionnement scolaire. En ce moment, c'est même un ordre, contexte politique oblige ! Enfin, elle ne l'a pas volée sa médaille, elle l'a vraiment gagnée et on ne peut que la féliciter !
La pratique du cyclisme depuis ces dernières années s'est vraiment développé au pays. Moi qui fait du vélo depuis quasiment le début de mon installation en Isan, il est de moins en moins rare de croiser, des personnes, des hommes essentiellement, dérouler sur les routes aux alentours de Sélaphum.
Je suis plutôt VTT et chemins des rizières et des fois le dimanche (surtout le dimanche), sur les routes goudronnées qui me permettent de rejoindre le chant des petits oiseaux et les buissons bruissants de nids de serpents, je croise, nous nous saluons, de plus en plus de thaïs suréquipés de shorts bermudas chamoisés moule-boule, de maillots bariolés de logos publicitaires, de casques ergonomiques, mitaines de course, chaussures à cale-pied automatique sans oublier les lunettes profilées que l'on sent, même de loin, qu'elles ne sont pas de la copie. Leur vélo semble (et le sont) haut de gamme ! Un sport, même en Isan, pratiqué par une certaine élite ! Les pelotons s'égrainent donc au fil des dimanches sur le routes « crève-boyaux » et leur vélo de course n'ont rien à envier à ceux des cyclistes français du dimanche qui arpentent en masse les routes bucoliques des campagnes environnantes des agglomérations de l'Hexagone, vous savez ceux qui vous empêchent, vous, la tête encore dans le décor, après un samedi soir arrosé, d'aller chercher vos croissants et votre pain chaud avec votre véhicule motorisé afin de fournir à vos amis et à votre famille un petit déjeuner digne d'un dimanche matin !
On dirait bien qu'en Thaïlande, ce phénomène devient légion. Même l'après-midi, par un cagnard à vous faire chercher l'ombre d'un arbre, un appentis de rizières près d'une mare où quelques fleurs de lotus surnagent, un sala dans un temple accueillant voire, si vous n'avez pas oublié quelques billets de 20 Baths, un coffe-shop climatisé pour y profiter d'une hypothétique fraîcheur, sur le bord des nationales encombrées de voitures et camions, ces hordes d'écran publicitaires déambulent, les mollets émaciés, noires comme du charbon, dépourvu de poils (je me demande encore s'ils se rasent les jambes comme les amateurs ou professionnels cyclistes occidentaux, le fait que l'asiatique est plutôt imberbe et dépourvu d'une pilosité abondante lui évite peut-être ce supplice... un jour, j'en arrêterai un et je lui demanderai avant que cela ne devienne une de mes obsessions !).
Force est donc de constater, que c'est un vrai phénomène de mode !
Lorsque j'ai commencé à faire du vélo au milieu des chemins contournant et pourfendant les rizières, on me regardait comme un extra-terrestre ; « On », c'est-à-dire les paysans de mon quartier me lançaient toujours d'un air amusé : «kan õk kam lagn», la main tendue, le pouce levé vers le ciel azur. D'un air de dire, « fais du sport, c'est bien mon gars ! ».
Il est vrai que les seuls personnes que j'ai pu croiser pendant toute ces années crapahutant sur des vélos qui la plupart du temps étaient d'un autre âge, sans frein, sans pédale, juste une tige en fer faisant office de propulseurs, enfourchaient leur vélo comme seul et unique un moyen de locomotion, de transport à défaut de moyen plus moderne pour aller d'un point A à un point B. Le vélo serait depuis longtemps mis au ban, s'ils avaient les moyens d'avoir une moto ou peut-être tout simplement les capacités à savoir s'en servir pour certains !
Depuis toujours, je croise régulièrement quelques personnages atypiques, des femmes, des hommes, la plupart plutôt âgés ! Nos échanges de sourires complices sont récurrents...
De toutes ces personnes, celle qui me poursuit même en dehors des routes proches de Ban Pangkhan, est Pou ni Pouy .
Je prends la voiture, je vais à Yasothon, je le croise. Je cours à Sélaphum, il y est ! Il est partout et pourtant, même si l'on se salue depuis longtemps, rares ont été nos échanges verbaux et encore moins aurais-je osé lui demander de le prendre en photo. D'un autre coté, tout le monde le connaît, j'ai donc découvert au fil du temps un bout de son histoire, entre cancan, légende villageoise et vérité !
Ce petit bonhomme assure ses 80 printemps ! Quelle forme ! Le vélo, ça conserve ! Il vend des cacahuètes, dans tous les villages alentour. Sortie des écoles, épiceries villageoises et clients réguliers. Il va chercher chez plusieurs producteurs disséminés autour d'un axe Roi Et-Yasothon sa matière première d'où cette impression de le voir partout et nulle part à la fois. Il s'occupe de les bouillir, de les conditionner en petits sachets qu'il vend ensuite 20 Baths et il fait ça depuis, depuis... personne ne se souvient quand il a commencé ! La voisine, épicière de son état, s'amuse à croire qu'il est forcément très riche, veuf sans enfant depuis si longtemps, elle lui demande à chaque livraison, s'il ne voudrait convolé en joyeuses épousailles à ses cotés ! Cela le fait bien rire, car Pou ni Pouy, il rit en toutes circonstances. Il lui refuse alors à chaque fois cette demande, alors l'autre voisine s'y met, puis encore une autre, jusqu'au moment où toutes ses prétendantes ont terminé de défiler sans avoir oublier de lui acheter ses précieuses cacahuètes qui continueront à défaut de remplir ce fameux trésor caché et de permettre à la légende de perdurer. Une petite anecdote épique plus tard, parce qu'à chaque fois, notre bout-en-train en une sous la casquette à raconter, il repart, prenant son élan afin de pouvoir grimper sur sa machine aux pneus impeccable, à la chaîne parfaitement graissée, pédales en bon état mais le tout sans frein, d'où le danger de ne pas l'arrêter à l'improviste. Pour la première fois, je lui ai demandé de poser avec son vélo même s'il a hésité, n'ayant, à son goût pas l'habit approprié pour une séance photo ! Il est ensuite reparti, une fois de plus, après avoir raconter non sans détails croustillants, l'assistance pliée de rires mêlés à des cris de joies suraigus, la chute qu'il avait fait la veille du coté de Ban Kwao où après avoir abusé de l'élixir local, le Lao Khao, lors d'une de ses livraisons, manquant de vitesse, ne touchant pas terre, il avait versé dans un fossé à la sortie du village. Il s'était alors reposé à l'ombre d'un arbre avant de pourvoir repartir à vide, non, non ! on ne l'avait pas détroussé de ses cacahuètes en or, juste un bon samaritain en Toyota Fortuner (Nom du cheval prédestiné ?) l'avait alors aidé puis lui avait acheter toute sa production du jour ! Une aubaine dans la déveine !
Bonne route Pou Ni Pouy , à demain sûrement, sur les routes ou chez l'épicière ! Je continuerai donc à faire du vélo parce que j'ai décidé de vivre vieux et heureux !
Paille Kheundheu...
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