A l’occasion des 25 ans de la chute du mur de Berlin j’ai demandé à la librairie Raum B. de vous présenter une sélection d’ouvrages sur le thème de la réunification, témoins de la vie à l’Est tout comme à l’Ouest. Ces livres sont tous disponibles en français chez Raum B, courrez-y pour vous les procurer, les dévorer et découvrir cette phase de l’histoire allemande. Merci à Laetitia et Cristina qui vous ont concocté cet article !
Raum B
Wildenbruchstraße 4, 12045 Berlin
U7 : Rathaus Neukölln
Toute une histoire, Günter Grass, Seuil, 1997, 708 pages, traduit de l’allemand par Claude Porcell et Bernard Lortholary
Grande figure de la littérature allemande contemporaine, Günter Grass a su alimenter bon nombre de polémiques. Et ce, que l’on pense à son histoire personnelle ou à Toute une histoire. Son regard sur l’Allemagne est loin d’être compatissant. Ce roman, paru en Allemagne en 1995, soit 15 ans après la réunification, met en scène deux personnages dignes de Guignol. Mais il n’est jamais bon de se contenter des apparences. Nous suivons Fonty (réincarnation de l’écrivain allemand Théodore Fontane) et Hoftaller (fantôme depuis toujours au service de la police politique, quelle qu’elle soit…), à Berlin entre 1989 et 1991. À travers leurs dialogues incessants, ils nous font voyager dans l’histoire allemande. Les personnages, les époques et les propos se confondent pour donner un regard écrasant sur l’idée même de (ré)unification. Sur un ton acéré, Toute une histoire questionne l’unité allemande. Et surtout la façon dont s’est déroulée cette ré-unification où le comportement de la R.F.A., dixit Grass, tend à rappeler celui d’une « puissance coloniale ». Le texte foisonne de références et nécessite une certaine application. Cela étant, la lecture se voit récompensée car Toute une histoire propose une piste de réflexion singulière sur les événements qui ont conduit à la chute du mur de Berlin et sur ses conséquences.
Histoire d’un Allemand de l’Est, Maxime Leo, Babel, 2010, 304 pages, traduit de l’allemand par Olivier Mannoni
Histoire d’un Allemand de l’Est nous plonge dans l’histoire familiale de Maxime Leo. Sans jugement, loin du mélodrame, il nous raconte comment il est devenu un Allemand d’aujourd’hui après avoir été un Allemand de l’Est. C’est depuis Berlin que son histoire nous ramène à la Seconde Guerre mondiale comme pour mieux nous faire sentir pourquoi bon nombre d’Allemands ont sincèrement cru en la création d’un nouvel État, la R.D.A. Et ce, pour mieux lutter contre l’effroi suscité par les atrocités commises par le troisième Reich. Un grand-père dans la résistance et engagé dans la création de ce « nouveau » pays aussitôt la guerre terminée, l’autre proche du régime nazi qui parvient pourtant à s’engager sans frétiller dans ce nouvel État, ils ont tous deux un besoin vital et existentiel de renouveau. Grâce au récit de Maxime Leo, nous approchons en outre le quotidien d’un pays qui n’existe plus et qui, faute d’avoir pu mettre en pratique les idéaux escomptés, s’est échiné à formater et à « maîtriser » la vie de ses « camarades ». Certains vont pourtant regretter la chute et la « protection » du mur. Un éclairage pudique sur un passé qui a encore des conséquences.
Cet instant-là, Douglas Kennedy, Belfond, 2011, 506 pages, traduit de l’anglais américain par Bernard Cohen
Thomas Nesbitt, écrivain, la cinquantaine, est le narrateur de ce livre qui nous plonge dans ses souvenirs de jeunesse. Lorsqu’il reçoit les papiers de son divorce et un colis venu d’Allemagne, c’est le moment pour Thomas d’affronter l’échec de son mariage, et surtout, un pan de son passé à Berlin qu’il a tenté d’oublier. Sa jeunesse, c’est Berlin en 1984, quand il n’a encore que 26 ans. C’est la découverte d’une ville particulière et de l’amour fou. À cette époque, Thomas est pigiste à Radio Liberty, une radio étasunienne exclusivement destinée aux auditeurs de R.D.A. C’est dans les studios qu’il va croiser Pétra, la trentaine, traductrice, très belle et solitaire. C’est le coup de foudre réciproque. À travers le récit de son histoire personnelle, le narrateur nous fait découvrir Berlin, ses rues, ses bars, ses habitants, mais également la décadence et la liberté qui y régnaient alors. Il est assez drôle de suivre ses déambulations qui nous mènent vers des lieux qui existent toujours. Kennedy nous fait revivre le Berlin de la guerre froide. Il se promène des deux côtés du mur. Si le lecteur n’adhère pas à la phase quelque peu sentimentale du roman, l’intrigue et les apports historiques le portent malgré tout. La guerre froide, ses tenants et ses aboutissants, la difficulté de vivre à cette époque, le sacrifice des idéaux de chaque côté du mur, tout cela fait de ce roman un moment de lecture agréable et enrichissant.
Berlin, dernière, Kits Hilaire, Flammarion, 1990, 168 pages
Berlin, dernière s’apparente à un roman autobiographique. Hilaire habite depuis 5 ans à Kreuzberg lorsque le mur tombe. Cet événement la pousse à quitter la ville et à prendre la plume afin de témoigner de ce monde disparu. Ce monde, c’est celui de Kreuzberg, des Turcs, des punks et des marginaux mais aussi celui du mur. Grâce à une héroïne sombre et complètement marginale, le lecteur expérimente le Kreuzberg de la fin des années 80. Ce quartier où se mêlent « le charbon, les kebabs, les rues géométriquement cassées et sales. » Là où on a « du gris plein les poumons ». À travers ses notes, nous découvrons l’ambiance de ces années particulières et agitées. Le 1er mai 1987 avec ses barricades et ses rues mises à feu ou encore avril 1989, où, le jour-anniversaire de la mort de Hitler, la population a la peur au ventre en attendant l’arrivée de néo-nazis dont l’objectif est de casser du Turc, du punk, de l’asocial. Et puis la chute du mur advient. Commence alors sa propre mise à mort en même temps que celle du mur, de ce microcosme encore préservé. « Les autres » entament leur invasion. Le défilé des trabans et les coups de burins se font écho. Les morts s’enchaînent et très rapidement Berlin a la gueule de bois. Est-Ouest qui s’embrassaient se regardent avec inquiétude. C’est l’histoire de Kreuzberg et de ses anges noirs qui s’achève alors.
Et plus si…
Berlin sous la Baltique, Hugo Hamilton, éditions Phébus, 1990, traduit de l’anglais (Irlande) par Marie-Claude Peugeot
Berlin, deux temps trois mouvements, Christian Prigent, éditions Zulma, 1999