Il y a longtemps qu’on avait pas parlé de L’Ado, je sens que ça vous manque. Depuis qu’il est au 6th form, l’équivalent du lycée, il se la joue cool. Il a même une carte étudiant, on se demande bien pourquoi, et il fait son malin. Plus d’uniforme, sa carte de paiement pour aller manger en ville avec les copains, les devoirs en direct par email avec les profs, il s’éclate. Le traître.
Il s’éclate tellement que ce soir, il va voir un concert. Bon, il ne faut pas le dire pour ne pas casser son image, mais c’est aussi son premier concert sans supervision. Même si il fait son blasé, il est parti surexcité. Et ça ne me fait pas rire. Déjà, avec mon naturel calme et serein, je ne stresse pas le moins du monde. La chose se déroule à L’art Center, le centre d’art moderne, un lieu forcément mal famé comme son nom l’indique. C’est évident, entre le café où l’on sert de très bons capuccinos, la boutique avec des bijoux fantaisies inspirés des œuvres et les toiles modernes, c’est un bouge infâme où le mal guette, tapit dans l’ombre derrière toutes les sculptures pour sauter sur mon bébé innocent (et pur, si, comme les agneaux, d’ailleurs il frise. Ça lui vient de sa mère). De toute façon, la salle va prendre feu, le plafond va s’écrouler, L’Ado va ressortir sourd, un bras cassé, peut-être même avec une crise d’appendicite. De sombres individus vont lui proposer des subsances que la morale réprouve (c’est vrai ça, un capuccino à des heures indues un soir d’école, c’est épouvantable…les organisateurs sont criminels). On va récupérer notre pauvre chérubin en lambeaux et aux urgences. Quoique, en lambeaux, vu sa tenue, ça ne peut être qu’un progrès…
(L’image vient de là)
Mais il y a pire. Bien pire. Et là, je ne suis plus la seule à me lamenter. Marichéri qui va devoir poireauter sur le parking pour récupérer son fils tout à l’heure est aussi effondré que moi. Il a bien décidé de mettre ses docs (les chaussures), mais le cœur n’y est pas. Pour qui se prend L’Ado, à aller à un concert, comme si il était…euh…un jeune? Alors que tout le monde sait bien que les jeunes, c’est nous! Maricheri et moi. Comment une fille à la pointe de la mode (je viens de m’acheter des bottines à lacets, style Rangers mais à talons, pour aller avec mon long manteau gothique, et j’ai déjà songé à me faire des mèches roses, mais j’ai peur que ça fasse fuir les parents d’élèves) peut-elle se ronger les sangs à attendre bêtement le retour de L’Ado? Dans le salon. Sur le canapé. Devant la télé, comme une vulgaire mère de famille has been…Comment Maricheri qui a lancé la mode des épingles à nourrice et des Rangers dans son lycée peut-il se retrouver à attendre son fils à la sortie d’un concert, comme un père de famille middle aged de corvée de taxi? Alors que ce petit crétin (le fils…L’Ado, quoi) n’y connaît rien en musique en plus …aargh! De quel droit ce boutonneux nous traite-t-il comme des parents quadragenaires? Sérieusement, c’est un scandale!
Il faut se méfier avec les enfants, au début ils sont mignons et tout gentils et quant vous vous promenez en public avec eux, on parle de vous comme de « jeunes » parents. Et à peine un battement de cil plus tard, ces mêmes gamins vous rejettent dans les méandres gris de l’âge mûr, comme ça, à coup de concerts miteux (Marichéri est très au fait de la culture musicale jeune, il est formel, c’est nul). Comment L’Ado peut-il nous faire ça?