Institut anatomique en décomposition

Par Elodieberlin

La Frei universität fut créée dès 1948 , dans un Berlin Ouest alors dépourvu d’université, la Humboldt étant située dans la zone soviétique. C’est aujourd’hui la plus grande des universités berlinoises avec un campus immense situé à Dahlem. L’institut anatomique de la FU fit sa première rentrée des classes en 1949. Il déménagea dans Mitte en 2005, laissant ce bâtiment des années 30 à l’abandon, étrange épave au milieu d’un quartier universitaire clinquant.

J’avoue que les sciences naturelles n’ont jamais été mon fort et que j’ai horreur de tout ce qui ressemble de près ou de loin à du sang. La visite de ce lieu me terrorisait d’avance et, passant devant avant un rendez-vous dans le coin, j’abandonnai l’idée de son exploration seule. L’accès ne semblait pas aisé, le bâtiment se trouvait en pleine zone résidentielle et je n’avais que peu de temps devant moi avant mon rendez-vous. De plus une voiture venait de quitter les lieux et je craignais que le bâtiment soit surveillé. C’est donc avec mon ami F. que nous y retournai un samedi matin très tôt. Levés aux aurores, nous voulions avoir notre tranquillité et nous balader dans l’institut avant le réveil des voisins.

Nous arrivâmes devant la porte grillagée et F. trouva tout de suite le moyen de rentrer, il suffisait de passer par un trou déjà existant. La porte d’entrée se trouvait à quelques mètres de là, grand ouverte. Nous entrâmes dans un vaste vestibule. Une alcôve se trouvait sur la droite. F. resta un long moment à la mitrailler avec son appareil photo.

Moi je m’aventurai dans l’aile droite. Il s’agissait de petits laboratoires largement vandalisés et graffés. Je revenais sur mes pas pour rejoindre F et le convaincre de visiter directement le sous sol, là où je soupçonnais que l’on trouverait les salles de dissection et les frigo où les corps avait été entreposés. Effectivement tout ce que l’on pouvait espérer de glauque s’y trouvait. On se serait cru dans un film policier… Là encore F. passa du temps à photographier, captivé par l’ambiance. Je m’éloignait dans la grande salle où se trouvait autrefois les tiroirs à cadavres. La plupart avait disparu mais il en restait quelques uns que je n’aurai pour rien au monde ouvert de peur de faire une macabre découverte. Je me glissais près d’une porte ouverte qui laissait filtrer le soleil. La proximité avec la vie extérieure était rassurante, surtout quand nous entendions à intervalles réguliers des bruits suspects dans le bâtiment. Certainement de l’eau qui ruisselait le long d’une quelconque gouttière, ou bien le pas de revenants. Difficile à dire !

Nous retournâmes enfin à la surface , au rez de chaussée. Le bâtiment était organisé autour d’un vaste jardin intérieur. Il suffisait donc de poursuivre tout droit et l’on finissait toujours pas avoir fait le tour du bâtiment et à retourner au point de départ : de grandes salles nues aux tableaux noirs recouverts de graffittis, de nombreuses pièces qui ressemblent à des laboratoires, des téléphones oubliés de toutes les couleurs, une odeur chimique qui flotte dans l’air…

Nous commencions à nous accommoder de l’atmosphère et étions maintenant à la recherche de l’amphithéâtre principal de l’institut. C’est derrière une porte quelconque que nous le découvrîmes. Nous replongeons chacun dans nos années universitaires. Les sièges à clapet sont les mêmes que ceux de l’amphithéâtre où j’ai passais tant d’heures assise, parfois intéressée, parfois endormie. Mais la décoration de cet amphi est bien plus colorée et on n’y a pas fait la poussière depuis longtemps. Restent un classeur et un téléphone sur le bureau du professeur.

Nous continuons notre visite à travers la faculté, à la recherche d’une salle de classe qui soit encore suffisamment en bon état pour que l’on puisse imaginer que c’en fut une. C’est finalement dans un sous sol que nous en découvrons une, dotée d’un tableau noir encore immaculé niveau graffiti, mais certains y ont laissé des messages. Nous aimerions faire de même et partons à la recherche d’une craie. Nous n’en trouvons malheureusement pas, nous aurions dû mieux nous préparer à cette exploration !! C’est aussi dans ce sous sol que se trouvent de superbes lavabos circulaires, innatendus dans un tel endroit. Nous étions dans le jardin et avions vu des escaliers qui descendaient. Si F. ne s’y était pas aventuré, nous aurions sûrement négligé l’exploration de ce souterrain.

Nous continuons de tourner dans le bâtiment, passons devant quelques belles étagères en bois et oeuvres artistiques. Puis retour à la case départ dans le hall d’entrée. Ni vu ni connu nous ressortons à l’air libre, sous le soleil de midi qui nous ramène à la vie, aidés par un petit déjeuner tardif dans un joli café de Dahlem.