Chère Gênes, j’attendais avec impatience notre premier rendez-vous. Je m’étais préparé pour cette rencontre. A défaut de me mettre sur mon trente-et-un, j’ai pris le temps de me documenter (un peu) sur toi. Ton passé, ton histoire. Il faut dire qu’en dehors de ton club de foot (la Sampdoria) et de ton statut d’étape quasi-incontournable pour les bateaux de croisière, tu demeurais pour moi assez mystérieuse. C’est peut-être ce mystère qui m’a attiré. Cette envie de te découvrir, de nouer une relation complice. D’autant que certains « experts » ne tarissaient pas d’éloges à ton égard : « La meilleure vision de Gênes est sans aucun doute celle qu’on a en arrivant par la mer : vous aurez l’impression de l’avoir toujours connue. »
Malheureusement pour moi, je n’ai pas su te découvrir sous ton bon profil. La faute à une accumulations de malentendus, à commencer par une sortie d’autoroute aussi anticipée qu’hasardeuse. Alors plutôt que les pilotis, la jetée surélevée ou le quartier de Caricamento et les maisons de maître de la via XX Settembre, ce sont d’innombrables hangars, usines et autres bâtiments industriels qui m’ont accueilli. Mais, comme on m’a toujours appris à ne pas juger autrui trop rapidement, j’ai essayé de te laisser une deuxième chance.
Piazza Cavour, monstrueuse autoroute et street-art
J’ai posé ma voiture dans l’un de tes (nombreux) parkings souterrains et je suis venu à ta rencontre. D’abord en bord de mer, aux abords de la Piazza Cavour. Là où ton visage est barré par cette monstrueuse autoroute. Une autoroute surélevée dont les nombreux piliers ont inspiré les amateurs de street-art de plus ou moins belle façon.
Face à la Méditerranée, la façade du Palazzo San Giorgio vient témoigner de ta puissance et de ta beauté passées. L’une des premières institutions bancaires d’Italie est aujourd’hui le siège des autorités portuaires.
Oui, désormais, ta vie s’articule autour de ce port où mouillent de nombreux (gros) bateaux. Au milieu de tout ça, le Neptune semble perdu. Ce vieux galion est la star du film Pirates de Roman Polanski. On peut le visiter. Je ne l’ai pas fait, préférant conquérir ton coeur. Enfin, ton centre. Du coup, je n’ai pas non plus pris le temps de visiter ton aquarium, le plus grand d’Italie et deuxième d’Europe dont on m’a pourtant dit le plus grand bien.
Oui, chère Gênes, tu peux avoir l’impression que j’ai tout fait pour ne pas t’aimer. Tu dois même encore te demander pourquoi je n’ai pas dégusté un cocktail dans ce tiki-bar lui aussi installé sur le port et où j’aurais pu prendre le temps de t’admirer. Moi-même, je ne sais pas encore.
Galleria Garibaldi vs Via Garibaldi
En tout cas, mon bal des occasions manquées s’est poursuivi en ton centre. J’aurais pu arpenter la Via Garibaldi, présentée comme « l’une des plus belles rues de la ville ». Mais du héros de l’unité italienne, je n’ai vu que la Galleria, un tunnel sombre, bruyant et pollué. Bref, encore une fois, je n’ai pas su voir ton bon profil.
Tu ne manques pas de charme…
Qu’à cela ne tienne, je vais t’aimer comme dirait l’autre. Je suis sûr que, quelque part en toi, se cache une vraie beauté. Et enfin j’arrive sur la Piazza de Ferrari. D’un côté, le Palazzo Ducale. De l’autre, le Teatro Carlo Felice. Au milieu, une superbe fontaine. C’est bien. C’est beau. Mais, c’est peu. Tu n’aurais donc que cela à nous offrir ?
Non ! A quelques pas de là, je tombe encore par hasard sur la Porta Soprana, deux tours jumelles érigées au 12ème siècle qui n’ont rien perdu de leur majesté. Je commence à me réconcilier. A tomber sous ton charme. Mais pas à tomber réellement amoureux. Non, c’est déjà l’heure des au revoir, ma chère Gênes. Tu semblais pleine de promesses, mais ce speed-dating ne m’a pas convaincu de te revoir une deuxième fois.
Peut-être est-ce à cause toi. Peut-être est-ce à cause de moi. Peut-être avais-je placé trop d’espoirs en toi – comme je l’ai aussi fait pour une certaine Florence ? Peut-être ne nous sommes-nous pas rencontrés dans les conditions optimales ? Car alors, peut-être aurais-je été émerveillé par ta cathédrale ? Bouleversé par ta maison de Christophe Colomb ?
Adieu ou à bientôt, chère Gênes ?
Notre histoire se termine là, aussi vite qu’elle a commencé, sur un goût d’inachevé. Je te souhaite une belle et longue vie, ma douce génoise. De mon côté, je pars sans tambour ni trompette. Sans gêne, serais-je tenté de dire. Et qui sait si nous ne nous reverrons pas un jour…
Date du reportage : juillet 2014