Considérée comme l’un des lieux les plus touristiques du Bénin, berceau du vaudou et port de départ des esclaves, la ville de Ouidah reste marquée par son histoire coloniale, visible dans ses moindres recoins.
Ouidah se situe à 42 kilomètres de Cotonou. A vol d’oiseau, à un coup d’ailes. Mais en saison des pluies, le trajet se transforme en véritable voyage semé d’embûches. Les routes cabossées, la boue, le sable font partie du périple. A l’aller, nous mettrons deux heures, au retour cinq. Arrivés sur le site, la migraine du voyage passe aussi vite qu’elle est venue. Ouidah happe. Les images fabriquées, visionnées, ébruitées de ce passé colonial inondent l’esprit.
La ville était l’un des principaux points d’embarquement des esclaves vers l’Amérique, mais aussi vers le Portugal, la France et l’Angleterre : là se trouvait le plus grand port d’exportation d’esclaves, trafic orchestré par le Royaume d’Abomey. Le Brésilien Don Francisco De Souza en 1754, nommé « yovogan » par le roi pour le représenter auprès des Européens à Ouidah, fut à l’origine de ce marché aux esclaves. Le roi Kpengla (1774-1789) fit ensuite de la traite négrière un véritable monopole royal.
Ouidah est connue pour sa route des esclaves, ces quatre kilomètres de sable rouge qu’empruntaient les Africains avant d’être exilés en Occident. Environ deux millions d’entre eux sont partis de cette « interface commerciale », sur les onze millions d’Africains concernés par la traite occidentale.
La route de sable était la dernière étape d’un chemin initiatique bien pensé par les négriers, usant des méthodes vaudou de cette ville, berceau du culte Vaundoun, qui s’est propagé dans le Nouveau Monde. On comprend mieux l’histoire étroite entre le Brésil et le Bénin : les racines portugaises de la langue nationale, le fon, et les rites ancestraux qui existent au Brésil à l’image des rites vaudous. Pour l’anecdote, le métissage est né dans les cales des bateaux transportant les esclaves : les femmes étants allongées sur le dos et les hommes sur le ventre…
Le périple de l’oubli
Tout d’abord les esclaves sont vendus place des Enchères. Ils sont troqués contre des armes, des bijoux, des alcools… Par exemple, contre une pipe, un colon peut emporter cinq esclaves.
Ceux-ci sont ensuite emmenés auprès de l’Arbre de l’Oubli : le rituel veut que les hommes tournent neuf fois autour de l’arbre et les femmes sept fois pour leur faire perdre tout repère et oublier d’où ils viennent.
Quelques mètres plus loin, ils sont enfermés dans des cases « Zomai » (« là où la lumière n’entre point »). Ils peuvent y rester des mois dans des conditions atroces pour tester leur résistance à venir sur les bateaux. S’ils échouent, ils sont jetés dans une fosse. Ce monument a été érigé en mémoire aux centaines d’hommes et femmes morts en dessous. Les habitants alentours racontent qu’ils entendent encore aujourd’hui crier les âmes des défunts.
Cinquième étape: l’Arbre du retour. Il marque l’adieu final et l’espérance. Les esclaves tournent trois fois autour de cet arbre pour garantir à leur âme de revenir au pays des ancêtres. L’histoire raconte que deux femmes et deux hommes ont été enterrés investis de paroles incantatoires sous l’arbre pour permettre cette prophétie.
Enfin, au bout de la route des esclaves s’élève la Porte du non retour. Des pirogues attendent les esclaves pour les emmener sur les immenses bateaux. En moyenne, 20% d’entre eux mourront pendant la traversée…