Aït Souka, village du haut Atlas marocain.

Dès que j'ai posé mes deux pieds à Marrakech, je savais déjà que j'irai fouler la terre de l'Atlas, loin de l'agitation de la ville rose. Marrakech, j'ai aimé, mais quand je suis revenue de l'Atlas, pas avant. J'avais besoin de trouver un havre de paix avant d'apprécier l'effervescence de cette ville. Et cet havre de paix, je l'ai trouvé. A Aït Souka.

Un matin pluvieux à Marrakech, et je décide de quitter cette ville dans laquelle j'étais arrivée l'avant veille, et qui me laissait sur l'instant une impression de "trop".Direction Asni en bus, pour rejoindre ensuite Imlil en taxi collectif.Le samedi, jour de marché, est très animé à Asni. Les neuf vallées avoisinantes se retrouvent pour faire le plein de provisions, tant les particuliers que les professionnels.Je me lance donc à la recherche d'un taxi collectif, mais dans cette cohue, je choisis de demander conseil à une adolescente qui me regarde. Alors elle saisit l'occasion pour me parler et me poser diverses questions, maîtrisant parfaitement la langue française qu'elle me dit apprendre à l'école. Elle me questionne sur le fait que je voyage seule et semble interloquée, admirative, curieuse, lâchant un grand "Whaou" lorsque je lui confirme que personne ne m'accompagne dans ce voyage. Je lui dit que peut-être voyagerait-elle un jour seule aussi, et que ce qui paraît insurmontable l'est rarement.

C'est ainsi qu'on se quitte elle et moi. Elle, pensive et sûrement rêveuse, et moi, libre et heureuse.

Après une route pour le moins sinueuse, j'arrive à Imlil, au coeur de la vallée. Je fais vite la connaissance d'Omar qui me propose le gîte et le couvert pour un prix en dessous du raisonnable. J'accepte volontiers et je me retrouve, quinze minutes de marche à pied plus tard, au Dar Tig Houla*.Je devais rester deux jours pour randonner dans cette vallée, pour y rester six au final, et ne pas randonner.J'ai vécu mon séjour à Aït Souka comme une parenthèse dans ma vie, une retraite en quelque sorte. Ne me demandez pas les activités à faire, je n'en ai fait aucune, si ce n'est marcher dans le village et discuter avec les femmes que j'ai croisées.De la mère de famille qui fait la lessive dans la rivière, aux femmes du village cuisant le pain dans le four au détour d'un chemin, chaque rencontre et chaque moment passé furent précieux. Je me suis sentie si proche de ces femmes, et si éloignée aussi. Je me suis toujours profondément sentie concernée par la condition des femmes partout dans le monde, et ces échanges furent pour moi l'occasion de faire tomber quelques unes de mes certitudes. Ces femmes, pourtant allouées aux tâches de la maison, transpirent la joie de vivre, elles sont heureuses. Elles le disent, et je les crois maintenant. Elles expliquent que c'est ainsi que sont répartis les rôles de chacun dans la famille, les hommes partent la journée travailler dur pour ramener l'argent, et elles ne prendraient leur place pour rien au monde. Elles aiment s'occuper de leurs enfants, de la chaleur de leur maison, se retrouver entre soeurs, voisines, toutes générations confondues. Les adolescentes les rejoignent le week-end puisque la plupart d'entre elles fréquentent les internats scolaires la semaine, l'éloignement empêchant de se rendre à la "grande école" chaque jour.Ensemble, elles rient, mais elles rient vraiment je veux dire.Et elles sont heureuses, maintenant je les crois.Après six jours passés en leur compagnie, ce fut pour moi le temps de partir, la gorge serrée et la promesse de revenir un jour. J'ai profité de chaque instant vécu dans ce village, et je me suis découvert une autre façon de voyager. Je n'ai pas vu ou fait beaucoup, mais j'ai vécu beaucoup.Et j'ai quand même pris quelques photos! :)