Photo : Protzen und Sohn
Au début de la presque île de Stralau, quartier industriel devenu ghetto de riches, un groupe de bâtiments en brique rouge avait souvent attiré mon attention quand je passais de Friedrichshain à Treptow, sur le pont qui surplombait la Spree. A moitié abandonnés ils faisaient tâche à coté des logements de standing blanc qui s’étalaient derrière. Un jour nous avions vu une femme qui s’y prélassait, sur une sorte de balcon sans muret. Il y avait donc de la vie par là, mais quoi ?
Et récemment je suis tombée sur un article qui parlait de Protzen und Sohn, un prénom un peu barbare pour désigner un nouveau Biergarten situé non loin de la Spree et qui semblait bien agréable. Le Monde était obnubilé par le foot ces derniers temps, et le Protzen und Sohn n’échappait pas à la tendance. Quasiment tous ses soirs d’ouverture étaient consacrés à la diffusion de la coupe du monde. Je m’y rendais donc un soir de match, mais évitais l’un de ceux où jouait l’Allemagne.
Alt Stralau 4, l’adresse du Protzen und Sohn, finit par éveiller en moi des soupçons. Et arrivée devant la vieille bâtisse de brique je trépignais de joie. Il s’agissait de l’un des fameux édifices qui avaient éveillé ma curiosité. Je commençais à faire le tour du propriétaire. Il était encore tôt, le match ne commençait que dans 2 heures. Et les orages successifs n’invitent pas à la flânerie extérieure. J’étais donc seule face aux façades industrielles égayées de temps à autre par des graffitis. Je finissais par tomber sur un jeune homme qui m’indiqua la direction du Biergarten.
Un Biergarten de palettes : chaises, tables, bancs etc. Je me dis que décidément ce matériau était trop à la mode en ce moment. Moi qui avait pensé me lancer dans la construction de meubles en palette, je commencer à y renoncer mentalement, pas envie que mon salon ressemble à un bar de plage.
La pluie avait trempé les sièges de mousses qui recouvraient les palettes mais il y avait des chaises longues sèches disposées en demi cercle autour d’un grand écran, à abri sous un toit. Dessus étaient assis des types qui avaient l’air de s’ennuyer proprement. L’un d’eux me montra la salle de projection intérieure. Pour nous y rendre nous passâmes le long d’une magnifique cage d’ascenseur, dans un couloir ponctué de miroirs. Mon hôte me laissa en compagnie de « quelqu’un qui parle ma langue », C. la barmaid qui est française. Très sympathique elle me renseigna sur le lieu, une ancienne fabrique de tapis. Depuis un mois, un collectif (ceux que j’avais vu dans les chaises longues) loue cet espace dans le cadre d’un contrat de zwischenmiete. C’est-à-dire qu’en attendant que ce lieu magnifique soit détruit pour y construire à la place des logements de standing, les propriétaires louent à bas prix l’espace à ce collectif. Le contrat court jusqu’en octobre mais avec un peu de chance il sera peut être prolongé.
En attendant le Protzer und Sohn accueille ceux qui ont envie de passer une bonne soirée loin du bruit de la ville, au milieu des arbres et des briques rouges, en compagnie d’une bonne bière et d’un écran géant qui diffuse les matchs. Pour ma part, je n’avais pas choisi le soir idéal car la pluie avait effrayé bien des spectateurs et l’audience était plutôt réduite. Je garde toutefois l’adresse en tête pour de prochaines soirées ensoleillées !