Tangentopoli

Publié le 11 juin 2014 par Oliaiklod @Olia_i_Klod

Le vénitiens ont toujours la formule pour inventer des mots nouveaux quand il s’agit de nommer l’innommable, et à propos du scandale du MOSE ils ont fait dans le lyrisme.

Tagentopoli, cela se traduit au sens littéral par "La cité des pots-de-vins".

Et cela résumé bien la situation, quand la corruption est érigée en système de vie par tous les notables de la cité lagunaire au mépris de l’avenir même de leur ville patrimoine du monde.

Car, chaque jour, au fil des révélations, on s’aperçoit que le "système" MOSE s’est appliqué à tous les grands travaux de la région, et que c’est l’ensemble de la vie politique et économique qui est touchée par cette nouvelle peste du siècle. Sur le schémas ci-dessous, on voit le plan de l’organisation de Giovanni Mazzacurati pour "arroser" les notables de la région de Venise.

Membres de la cour des comptes, juges du Tar de Venise, gradés des forces de polices diverses, avocats … la liste s’allonge de jour en jour, et dans cette liste on trouve, coïncidence, de nombreux proches de Paolo Costa, ancien maire de Venise à l’époque des grandes décisions à propos du MOSE, et actuel président de l’Autorité Portuaire. Costa qui a toujours été favorables à tous les grands travaux, au nom de l’emploi et de la dynamique économique des entreprises serait-il le seul angélique innocent dans cette lagune désormais fétide ?

On peut, légitimement se poser des questions quand on lit que l’un des juges qui a autorisé le retour des grands paquebots de croisières dans la lagune est cité dans l’enquête sur la corruption du MOSE pour avoir touché des pots-de-vins…

Selon le procureur adjoint de Venise, Carlo Nordio :
"Je me suis occupé de Tangentopoli il y a vingt ans et je peux dire qu’une grande partie des protagonistes de l’affaire MOSE sont les mêmes…"

Un Tangentopoli plus sophistiqué grâce à la jungle législative italienne voulue par Silvio Berlusconi. Des lois tellement complexes qu’elles favoriseraient la corruption, le chantage, le favoritisme…

Pour la énième fois en quatre ans de suivi de la politique italienne, j’ai vu la question de l’éthique politique remise sur la table. Pour la énième fois, ce sont des débats à n’en plus finir, ce sont des mea culpa et des constats qui en deviennent grotesques, à force de régularité.

Comment expliquer, vingt ans après Tangentopoli, que les mêmes entreprises raflent encore des marchés publics ?

C’est ce que constatait durement l’éditorialiste Marco Travaglio :
"Ils volaient et volent tous, et ensemble, toujours, régulièrement, scientifiquement, inlassablement, sur chaque petits ou grands chantier public, événement, marché, charge, consultation. […]
A chaque scandale, ils nous racontent la fable du ver dans la pomme, la baliverne de la lutte contre la corruption, l’annonce de règles plus strictes, la promesse d’un renouveau, la mise au rebut"

[rottamazione  en Italie, un thème cher au premier ministre italien actuel Matteo Renzi, auto-baptisé rottamatore, ndlr].

Ce que est bien chez vous les Français, nous disait un ami vénitien il y a peu, c’est encore votre capacité à vous énerver. En Italie, on n’a même plus la force.

Venise coule de toute façon … Le problème de l’Italie est son "énergie criminelle"

Le scandale menacerait 20 ans d’efforts qu’aurait l’Italie pour restaurer sa réputation internationale (mais avec Silvio Berlusconi, on peut en douter). L’Italie est encore classée 69ème dans l’indice anti-corruption de Transparency International, loin derrière la plupart des autres pays européens.

Trente ans après le début de l’histoire du MOSE dont le coût à triplé, le travail n’est pas terminé et la bataille entre scientifiques et environnementalistes est plus rude que jamais sur le thème "Ce n’est pas la bonne façon de défendre Venise".

Une des règles principales de la lagune est écrite, depuis des siècles dans le nom d’un canal "Scomenzera" … qui signifie "pour commencer".

Depuis que les vénitiens se sont installés dans la lagune, ils ont commencé une œuvre sur l’espace naturel et ont attendu de pouvoir en évaluer les effets. Si le résultat était convaincant, alors on persévérait, sinon, on cherchait autre chose.

Le MOSE s’est affranchi des critères d’expérimentation, souplesse et de réversibilité.

Le projet qui devait coûter 1,5 milliard, mais qui, à cause de la corruption a atteint 5,50 milliards n’a jamais apporté la moindre preuve de son efficacité. Il s’est imposé grâce à un rapport de la Cour des Comptes, dont on sait aujourd’hui qu’il a été barbouzé par la mafia.

Ce que l’on sait, c’est que le coût de l’entretien sera faramineux, pour une utilisation de quelques heures par an… une jour ou deux en termes cumulés.

A condition qu’il fonctionne réellement et que, lors d’une forte tempête comme en connait l’Adriatique, les charnières en acier soudé qui n’ont jamais été remises en question ne cassent pas. Alors, Venise connaîtrait une catastrophe majeure causée par un tsunami artificiel avec des parois de plusieurs tonnes flottant au dessus des flots en furie.

Car, depuis l’arrestation de Gioacchino Francesco La Rocca en novembre 2013, on sait que Cosa Nostra s’est intéressée de près à la construction du MOSE.

La passion du clan mafieux de Francesco La Rocca, dit Ciccio, vénéré patron de Caltagirone, né il y a soixante douze ans et toujours élevé dans le crime à une dizaine de kilomètres de Catane, a toujours été le béton et la politique.

Ciccio La Rocca a donné naissance dans les années ’80 à la famille mafieuse qui porte son nom et qui est impliquée dans tous le Grands Travaux en Italie de nos jours. Les membres de la famille se font passer pour d’honnêtes entrepreneurs et soudoient des politiques, ou alors, ils obligent des entrepreneurs à faire leur politique : la corruption.

Cette famille est impliquée dans l’assassinat du juge Falcone que le vieux mafieux avait commenté par "un cornuto che se la meritava". Et il suffit à ces hommes de rappeler ce qui est arrivé au juge pour que tous les notables italiens sachent ce qu’ils ont à faire.