Je reviens rarement sur les lieux de mes crimes. Mais le cas de cette ancienne usine de câbles est particulier. Son intérêt réside principalement dans celle qui a envahi son espace : la nature. Je m’étais rendue dans ces entrepôts cet hiver en compagnie de ma compère blogueuse A. de Nomadnow. Nous étions d’abord allées dans l’ancienne brasserie Bärenquell mais A. connaissait déjà et j’avais heureusement prévue une autre exploration à proximité, celle de cette usine de câbles.
Fondée dans le quartier de Mitte en 1895 par Julius Vogel l’usine de cables C.J. Vogel Draht- und Kabelwerke AG déménagea en 1916 dans le quartier de Köpenick qui offrait des espaces plus grands. Après la guerre l’usine fut gérée comme entreprise d’état en prenant la forme juridique VEB et fusionna avec 6 autres usines de câbles. Les ouvriers de la fabrique furent parmi les premiers à abandonner le travail à l’annonce de la chute du mur. A la réunification, l’activité de production déménagea dans de nouveaux locaux et les entrepôts de Köpenick furent laissés à l’abandon.
L’accès n’était vraiment pas difficile, le grillage était largement éventré. Nous étions passées devant les premiers bâtiments qui semblaient peu intéressants et avions contourné les grands entrepôts jusqu’à trouver une entrée béante. L’espace intérieur est impressionnant et n’est troublé que par les arbrisseaux nus d’hiver. Des graffitis égaient les murs gris, les immenses lampes se balancent nonchalamment au plafond, débris de verre et étranges matériaux marrons en forme de serpentins jonchent le sol. Nous passons par l’allée transversales ponctuées de petites pièces sombres jusqu’à arriver dans une cour qui mène à un deuxième entrepôt aussi grand que le précédent. Celui-ci est même muni d’une pièce en hauteur, en plein milieu de l’espace et accessible par des marches peu fiables. Etait-ce le bureau du contremaître qui surveillait les ouvriers du haut de son perchoir ? Cette première exploration avait été sympathique mais je me promettais de revenir au printemps car je pensais qu’une fois la végétation pleine de sève aurait repris des couleurs, le résultat visuel serait intéressant.
Je ne fus pas déçue d’entamer ce nouveau voyage, cette fois-ci en compagnie de B. et de F, créateur d’univers pour des films et des jeux vidéos venu chercher l’inspiration. Là encore l’entrée fut un jeu d’enfants. Je suivais le même chemin que la dernière fois mais nous aurions tout autant pu passer par le portail principal grand ouvert. Un toit continuait de s’effondrait et depuis l’hiver dernier les graffitis avaient été remplacés par de nouvelles oeuvres. Mas cette fois-ci, la star de l’entrepôt, c’était la verdure. L’opposition nature/industrie était à son comble. Le vert tendre émaillait l’espace gris. Nous nous promenions dans la forêt et nous perdions parfois, tombant nez à nez avec une sorte de cage en ferraille digne de décorer le Kit Kat Club, ou encore une chaise oubliée, ou même un couple en goguette sur leur vélo. Je voyais déjà mes deux fans de jeux vidéos sursauter, imaginant des chasseurs en fraction derrière un arbre, ou des soldats américains perdus qui n’auraient pas été au courant de la fin de la guerre du Vietnam.
Nous passâmes directement dans le second entrepôt encore plus verdoyant. La cabine du contremaître était toujours là mais son échelle avaient encore perdu des marches. Je me disais de nouveau que les énormes lampes feraient un éclairage formidable pour ma cuisine et que je récupérerai bien l’une de ces palettes de bois pour la transformer en table basse (oui je viens de déménager et suis un peu obsédée par la déco !). Chacun à ses pensées au milieu des fourrées nous finîmes par nous retrouver. F. me demanda s’il y avait d’autres salles intéressantes. Je songeai au long couloir morbide du premier étage qui avait signé la fin de ma précédente visite avec A. Idéal pour une attaque de zombies ! Nous montâmes donc jusqu’à ce fameux corridor ponctuellement éclairé par la lumière du jour. Au bout le vert menaçant qui tentait de prendre possession des lieux. Dehors les voitures des Berlinois qui faisaient leurs courses chez Hellweg. De l’autre coté de la fenêtre la Spree coulant paisiblement dans le bleu de cet après-midi dominical. Nous sortîmes à l’air libre pour profiter du timide soleil et, en suivant les voies ferrées encore enfoncées dans le sol, retrouvâmes le chemin de la sortie en passant devant un congélateur. Des machines de constructions s’amoncellent autour des bâtiments, signe d’un projet de rénovation ?