Dans notre article d’hier, nous vous avons parlé des négociations qui semblent s’ouvrir vers la voie de la sagesse, et des décisions de politiques responsables, qui paraissent ne pas avoir encore été corrompus.
Mais dans notre Italie moderne, pleine de paradoxes, il faut s’attendre à tout, surtout à ce qui paraîtrait impossible partout ailleurs dans le monde. Comme chacun le sait, le système italien est corrompu par des organisations criminelles à tous les niveaux, qu’il s’agisse des milieux politiques, de l’administration, et même de la justice.
En tout cas, on peut se poser, légitimement la question, quand un tribunal local rejette les lois et les décrets de la République Italienne, et les règles souveraines de la Communauté Européenne, en publiant un jugement qui permet désormais au grands paquebots de croisières de circuler librement et sans aucune contraintes dans le bassin de San Marco.
Bruno Amoroso, Silvia Coppari, Enrico Mattei, retenez bien ces noms, car l’Histoire aura peut-être un jour à leur demander des comptes. En effet, ces trois juges du Tribunale Amministrativo Regionale per il Veneto (TAR, Palazzo Gussoni, Strada Nuova, Cannaregio 2277 et 2278) ont décidé de surseoir aux décrets et lois votées par le gouvernement italien, suite aux négociations multi parties, et de céder aux menaces des compagnies de tourisme de croisières domiciliées dans des paradis fiscaux.
Venezia Terminal Passeggeri S.p.A. (le syndicat qui regroupe les compagnies privées opérant à Venise), représentée et défendue par les avocats : Giuseppe Scuglia, M. Francesco Curato, Vittorio Domenichelli, ayant élu domicile chez leur seul confrère vénitien Francesco M. Curato à Venise, Piazzale Roma, 468/B ont attaqué en justice le Ministère des Infrastructures et des Transports, la Présidence du Conseil des Ministres, le Ministère de l’Environnement et de la Tutelle des Mers, la Capitainerie du Port de Venise, la Mairie de Venise …
… pour contester, la loi Clini-Passera qui limite à 40.000 tonnes, l’accès des navires dans la lagune, la limitation de 12% du trafic de croisières en 2014, et la limitation à 96.000 tonnes de l’accord du 5 novembre 2013 du gouvernement Letta (voir le délibéré : N. 00178/2014 REG.PROV.CAU.)
A l’heure où l’on parle de la légitimité des habitants de Crimée à choisir à quel pays ils souhaitent appartenir, que peut on dire de la légitimité d’une bande de compagnies liées à des réseaux criminels de remettre en question des lois et décrets pris par le gouvernement italien, en conformité avec les règlements européens.
Cela signifie donc que, moyennant quelques procédés obscurs, n’importe quelle entreprise siégeant dans un paradis fiscal peut remettre en question la souveraineté nationale de n’importe quelle nation du monde. Ce qui a été jugé le 17 mars à Venise, par Bruno Amoroso, Silvia Coppari et Enrico Mattei est donc un cas sans précédent, qui, s’il fait jurisprudence, peut conduire n’importe quelle société qui saura trouver les bons avocats et les moyens de pression adéquats, a dicter n’importe quelle loi l’avantageant dans n’importe quel pays, et cela au détriment des nations et des peuples.
Au delà de cette atteinte à la souveraineté de l’État Italien par des société privées, c’est toujours la sécurité pour les vénitiens et l’impact des ces grands navires sur les monuments de la Sérénissime qui sont inquiétants. Chaque passage de ces paquebots géants soumet les fondations de la ville lacustre à une pression telle, que maisons et palais sont soulevés des pieux qui sont enfoncés dans la vase sous leurs fondations. Puis après le passage du navire, elle reviennent sur les pieux, mais pas forcément à la même place. S’ensuivent des fissures qui, à court terme vont provoquer l’effondrement des murs des maisons et palais.
Si un de ces monstres percutaient le quai au niveau du palais des doges, l’expérience des dernières catastrophes à montré que, lorsqu’il s’immobiliserait, la proue serait au niveau du campo Santa Maria Formosa, ayant englouti et détruit une grande part des plus beaux monuments de la ville.
Est-ce qu’il faut attendre ce désastre pour que l’on comprenne que nous sommes faces à des criminels ?
Cette décision ulcère et met en colère, légitime, les vénitien-e-s. Le printemps qui s’annonçait enfin calme sur ce plan, risque donc d’être, à nouveau très mouvementé, car les mouvement écologistes assimilent cette décision à une déclaration de guerre contre le peuple de Venise, voir : Tutto da rifare. Il Tar riapre il bacino di San Marco alle Grandi Navi.
Pour un de nos amis, il écrit sur son blog : "La mia sensazione è che la città e la laguna siano ormai in mano a banditi"… (pourtant, on nous prétends toujours que la mafia n’existe pas à Venise, alors que nous en avons démontré l’existence à plusieurs reprises.
Pour l’Autorité Portuaire de Venise "La decisione del Tar non può, né deve, assolutamente distrarci, o peggio fermarci, dal voler trovare e realizzare entro il 2016 la via d’acqua alternativa per raggiungere la Marittima e ovviare al passaggio davanti San Marco". Oui, mais cela fait reculer à 2016 l’hypothétique temps où les grands paqueots ne passeraient plus devant San Marco, bravant ainsi toutes les lois en vigueur au nom du tourisme destructeur à tout prix, et surtout, les maîtres du port ne voient toujours pas d’autre solution que l’actuelle gare maritime pour accueillir ces monstres dont tout le monde connaît les dégâts qu’ils causent à Venise et à la lagune.
Giorgio Orsoni, a commenté cette décision inique : "Siamo fiduciosi che la volontà del Governo sarà rispettata, e con questa il suo impegno affinché le navi non compatibili siano allontanate dal Bacino di San Marco.
Auspico che questo impegno e questa volontà – che sono anche quelle della Città e del mondo intero che ci guarda – siano ribaditi ponendo rimedio, ove necessario, ai vizi rilevati dal giudice amministrativo, al fine di raggiungere l’obiettivo ampiamente condiviso anche a livello internazionale. È ferma intenzione del Comune di Venezia tutelare la Città e la sua Laguna con determinazione. Non siamo disponibili a delegare a nessuno la difesa degli interessi primari dei cittadini. Così come riteniamo che gli organi dello Stato non possano delegare ai propri concessionari l’attuazione di politiche condivise a livello di governo nazionale, e debbano adempiere puntualmente alla volontà espressa all’unanimità dal Senato della Repubblica".
Il reste donc convaincu que le volonté du gouvernement de ne plus voir de paquebots devant San Marco sera respectée, et que personne ne dictera sa volonté au peuple souverain et les décisions de ses représentants, et que les responsables locaux doivent répondre rapidement aux souhaits exprimés à l’unanimité par le Sénat de la République. L’arrêt du passage des paquebots devant San Marco est une volonté du gouvernement italien, des vénitiens et du monde entier qui regarde Venise avec anxiété.
Et pour celles et ceux qui prétendent qu’un accident est impossible dans la lagune de Venise et dans le bassin de San Marco, les images sont nombreuses, d’accidents de navigations dans la lagune :
1973 le Bulk Mariner fonce droit sur le quai et arrache une partie de la Riva dei sette Martiri, les remorqueurs et le pilote du port à bord sont incapables d’éviter l’accident.
23 décembre 1976, le Monte Berico s’encastre dans le quai de la riva de San Nicolò di Lido
En 1977, le Tomaso Tricoli s’encastre dans la Riva Sette Martiri.
Dans le courant du mois de mai 1980, c’est le porte containers Afros qui défonce le quai des Giardini, devant la Biennale.
Le 12 mai 2004, par un épais brouillard, le paquebot Mona Lisa s’échoue devant le palais des doges avec 750 passagers à bord, s’il avait continué sur cette trajectoire, il aurait percuté la pointe de la douane.
Et, plus récemment, le 27 juillet 2013, l’inchino du Carnival Sunshine devant le yacht de Micki Arison, patron de Carnival Corporation, qui avait failli provoquer une collision avec un vaporetto devant la Riva dei Schiavoni.
Pour lire les articles de la presse vénitienne sur ce sujet :
Grandi navi libere, il Tar boccia i limiti – Accolta la richiesta di sospensiva, stop ai "blocchi" del governo
Grandi Navi a Venezia: il Tar riapre a San Marco, congelate tutte le ultime limitazioni
Il Tar "boccia" il Governo – Le Grandi navi possono tornare Accolta la richiesta di sospensiva della Terminal Passeggeri della riduzione del 12% del traffico dei "colossi del mare"
Grandi navi: il Tar sospende lo stop al passaggio a S.Marco
Se un giudice cancella i limiti alle grandi navi di Venezia
Secondo il Tar «non ci sono indagini adeguate sui rischi». Il ministro Franceschini aveva appena detto: non ci si può rassegnare a giganti di quelle dimensioni