Campiello de Cà Angaran

Publié le 15 février 2014 par Oliaiklod @Olia_i_Klod

Giuseppe Tassini dans ses Curiosités vénitiennes raconte, à propos du Campiello de Cà Angaran, l’histoire de ce médaillon incrusté dans le mur.

"…in campiello Angaran, detto Zen, scorgesi innestato nella muraglia un medaglione di marmo Greco, nel quale e scolpito un imperatore d’Oriente in costume, lavoro del secolo IX. Erroneamente il Zanotto vorrebbe che questo fosse il marmo del forte Mongioja portato a Venezia da Lorenzo Tiepolo…"

Donc, comme Francesco Zanotto (Venise, 1794-1863), on raconte souvent que c’est un marbre ramené par Lorenzo Tiepolo, du fort Mongioja dans Saint-Jean d’Acre qu’il prit aux Génois en 1526. En partant, outre le riche butin qu’il s’appropria, Lorenzo Tiepolo prit, pour lui servir de trophée : deux colonnes de l’église de Saint-Saba, le bloc de porphyre sur lequel avait été annoncé le bannissement des vénitiens, et, une grosse pierre provenant des débris du fort de Montgioja. Les deux colonnes sont encore devant l’église San Marco, comme souvenir de ce triomphe.

Stefano Magno, dans sa Cronaca di Venezia nous raconte :

"Ai piedi dell’antico portico della chiesa di San Pantaleone, ora distrutto, sulla cantonata, fra la chiesa medesima, ed il palazzo Signolo, che nel 1543 stava in mano dei Loredan, e tuttora s’appella da questa famiglia scorgevasi innestata nel selciato la celebre pietra del forte Mongioja in S. Giovanni d’Acri, o Tolemaide, portata a Venezia da Lorenzo Tiepolo"

Lorenzo Tiepolo, aurait donc fait placer cette pierre, enlevée aux ruines du fort de Montgioja, au pied du portique de l’église San Pantaleone, sur le campo devant le palazzo Signolo qui était sa demeure, puis qui fut racheté par les Loredan en 1543.

La pierre, que Tiepolo avait obtenu de placer devant son propre palais, n’existait plus du temps de Jacopo Sansovino, à la fin du même siècle.

Selon la tradition populaire, cette pierre provenant du fort de Montgioja serait, de nos jours, visible sur les marches de l’église San Pantaleone.

Et, en aucun cas ce ne peut être le bas-relief byzantin. Certaines sources estiment que ce médaillon de marbre montre l’empereur Léon VI le Sage, qui a gouverné l’empire byzantin de 886 à 911 après JC. D’autres estiment qu’il est du XIIème siècle, et qu’il représente l’empereur Isaac II Ange (1185-1193 et 1203 – 1204) ou son frère Alexis II (1195-1203) en tenue de cérémonie (voir le reportage de Daniela et Luca dans e-Venise).

Ce beau médaillon, bien conservé, témoigne des liens étroits entre Venise et l’Empire d’Orient.

Le seul autre exemplaire, actuellement visible dans le monde, fait partie des collections byzantines du Dumbarton Oaks Museum, Washington, DC. Cet autre médaillon provient de Venise et aurait pu être le complément de celui du campiello de Cà Angaran, si l’on admet la possibilité que les empereurs étaient représentés père et fils, Alexis Ier et Jean II, qui régna conjointement (1092-1118).

Ces deux médaillons étaient probablement des butins de guerre lors des pillages de Constantinople lors d’une croisade.

A noter, toujours sur le mur de ces deux maisons, quatre coquilles, emblème de Saint-Jacques de Compostelle qui forment un curieux voisinage avec cette merveille byzantine.