Le matin froid se lève, je reste prostré, le nez dans mon bouquin, les bras endoloris par je ne sais quoi. J’entends dans le jardin les tourterelles roucouler comme au premier matin du printemps sur la cheminée, mais l’hiver est encore là et bien là, même si plus rien ne laisse présager qu’il pourra se montrer dans son vrai manteau d’ici mars. La nature reprend de la vigueur ; le gel n’a aucune prise ici.
Je continue d’écumer les pages qui défilent sans lassitude, je n’arrive même pas à me fatiguer. Les jours passent tranquillement, les angoisses de la nuit se dissipent et le soleil me taquine du pied. La clochette de l’arbrisseau me dit qu’il est temps, un vent léger la fait tinter au crépuscule et me susurre à l’oreille qu’il serait peut-être temps de repartir. Cette fois-ci, on ne m’y reprendra pas, je pars avec toute la méfiance du monde, les Thaïs m’ont habitué à ne pas être trop attentif à leur œillades ; personne dans ce monde ne veut naturellement du bien à son prochain, sans raison, sans contrepartie.
La destination se révèle doucement, ce sera à nouveau l’Océan Indien, mais pas le Golfe de Thaïlande. Je crois que d’ici à ce que je retourne en Thaïlande, il y aura du temps et je n’irai à nouveau que dans le nord, à Chiang Mai, et dans le sud de Bangkok. Les îles ne m’intéressent pas, je n’ai que faire des paysages de rêve des plages au sable blanc et au soleil brûlant. Je suis un urbain et un sauvage, un nomade terrien, jouer les lézards sur la plage m’ennuie, même si je dois avouer que se reposer loin de tout à l’autre bout du monde a quelque chose de magique. Mais j’ai autre chose à faire, j’ai une planète à voir.
Je rêve de sauts de puce dans l’Océan Indien. Dix jours à ma disposition pour me gaver d’images et de mots de là-bas, de notes de musique que j’ai entendu dans mon adolescence, tambours et percussions scandées dans des transes douloureuses, odeurs d’épices chatoyantes et couleurs inconnues. Pour l’instant, ce n’est qu’un projet, mais les gens de là-bas vont voir mon visage.
Je rêve aussi de volcans, de routes de sable avalées en scooter, de pentes à se damner, la végétation infernale et toute une fouille de détails où perdre son regard. Le temps d’en parler et j’ai déjà presque la certitude de l’endroit qui me fait rêver…
Photo © Marc-André Jung