La route du serpent grillé !

La route du serpent grillé !Il est des jours où il faut prendre de bonnes et de grandes résolutions ! Bientôt deux mois que nous subissons un hiver digne de ce nom, même sous le quinzième parallèle. En effet, les petits matins où la brume se fige au dessus des rizières, où les vents du nord-est balayent les routes et rues des villages d'ISAN, où la plupart du temps le ciel se couvre de nuages poisseux, sans oublier le mercure des thermomètres qui ne peuvent plus se dilater, ces matins « à la fraîche » voire dans le froid que personne n'arrive à gérer par ici, ne se comptent plus !

En attendant, on est blotti dans une couvrante, un pull vite enfilé sur les épaules qu'il aura fallu aérer une bonne après-midi tellement il sentait le fond de malle (en attendant, tu auras froid), des chaussettes (en espérant que les mites ne se sont pas occupées de les façonner style meule d'Emmental des montagnes) que l'on aura mis des heures à retrouver, coincées au fond d'un tiroir derrière les shorts et tee-shirt « made in Thailand » et qui, une fois mises aux pieds ne nous quitterons plus ; il y aLa route du serpent grillé ! aussi le pantalon de survet' d'un autre temps à faire fuir un footeux accro aux dernières infos de la mode des vestiaires et que l'on aura mis à la hâte, sans oublier le bonnet sur le tête bien tanqué jusqu'au bout des oreilles (si, si, ça arrive). On se met alors à divaguer, à imaginer une soupe de légumes fumante devant soit, un plat sorti du four (comme un « hachis parmentier » par exemple) où l'on pourrait se brûler à la première bouchée tellement l'envie de se réchauffer le corps est pressente ! La mémoire est sélective, on oubli vite les hivers de notre jeunesse où entre bruines et vents du nord-ouest (en Bretagne) il fallait coûte que coûte se rendre à l'arrêt de bus pour rejoindre l'école de la république.

La route du serpent grillé !

On se met donc en quête de calories, de protéines, pour que le sang de son corps s'active au mieux pour se sentir au chaud. J'avais entendu parlé qu'il se trouvait pas très loin de chez nous, une ferme qu'un farang d'origine française avait monté, il faisait dans le bœuf ! Pas n'importe lequel, du bœuf « nua khrung », c'est-à-dire, de race mixte. Moitié charolais ou moitié limousine avec une maman vache thaïlandaise. Une histoire de semences à laquelle je laisse les spécialistes débattre. Pour faire court, dans cette ferme coopérative, on faisait de la viande de bœuf de qualité, coupe à la française, on la laissait rassir à la perfection, il fallait absolument y aller...

La route du serpent grillé !

On est donc parti avec un pote, en effet « la chasse » n'est-elle pas une histoire d'hommes ? (macho va !). Direction plein nord de Sélaphum vers Sakon Nakorn, la ferme se trouve aux abords de la ville.

La route :


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La route du serpent grillé !Cent cinquante kilomètres de route, la femme de mon ami nous disant au moment de démarrer : «  ah ! Vous prenez la route des serpents grillées ! »... « Super ! » fut notre réflexion. Nous allions pouvoir goûter à une spécialité locale. Nous ne demandions pas plus détails sur cette réflexion, la première de notre véhicule était déjà enclenchée, Phon Tong, Kuchinarai, une route connue souvent empruntée pour se rendre sur les bord du Mékhong, à Mukdahan. De grandes lignes droites bordées de rizières jaunis, en effet dans ce coin de l'ISAN, l'eau n'est pas suffisante pour faire naître une deuxième récolte de riz. Tous les deux ou trois kilomètres, une grande courbe et encore une route définitivement rectiligne. Plus on avançait, les champs de riz ratiboisés faisaient place à de grandes étendues de champs de cannes à sucre mais surtout à une circulation incessante de camions chargés à ras la gueule de ces cannes fraîchement coupées, les doublant allègrement ou restant coincé à l'arrière de ces engins à l'équilibre précaire en se demandant à quel moment ce chargement allait nous tomber sur le capot !

La route du serpent grillé !

La route du serpent grillé !Arrivant, à la sortie de Kunchinarai, ne tournant pas sur notre droite direction le Laos comme la plupart des véhicules nous accompagnant sur notre chemin, nous tracions tout droit, direction quelques collines que l'on devinait à l'horizon, petites montagnes, les contreforts du Mékhong, perdues dans une brume matinale qui ne voulait décidément pas se dissiper ! On retrouvait des rizières sèches comme une trique, des villages tous les trois kilomètres, invariablement, petit et miteux, ce coin de l'ISAN sentait la campagne déshéritée...La route commençait à grimper, mais très vite grâce à quelques virages raides de chez raide, nous esquivions les collines. Celles-ci dépouillées de grands arbres, il y a bien longtemps que la jungle qui devait être là a été découpée et arrachée. Les habitants du quartier n'ont pas non plus aménagé ces reliefs en terrasse afin de faire des cultures de riz ou autres, style Bali ! Montagnes pelées, défrichées où les seuls arbustes et arbrisseaux servent à faire du charbon de bois... puis ces petites collines se resserrent les unes contre les autres et la route commence à serpenter, à tourner-virer ; ce n'est pas la montée du col d'Agnelle ni la descente de l’Izoard mais tout de même, cela nous change de « notre ISAN » plutôt plat.

La route du serpent grillé !

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On découvre alors de nombreuses petites fermes disséminées un peu partout le long de cette route qui, il faut le noter, est en très bon état (les routes en ISAN sont devenues réellement très praticables désormais). Aux détours des bosquets, on aperçoit des potagers bien ordonnés sur des terrasses bien aménagés, et surtout, on ne remarque alors que des plantations d'hévéas... On sent que c'est une mode récente, ces arbres à latex ne fournissant pas encore leur laitance. On redescend et on passe un village, on remonte et ceci pendant presque quarante kilomètres. On rejoint alors une plaine large et baraquée. Les rizières refont leur apparition. La circulation redevient abondante. Un panneau nous indique, Sakon Nakorn, 10 kilomètres et sur notre gauche on découvre l'entrée de la ferme coopérative de Pon Yang Khram. Nous avançons pendant un kilomètre et commençons à apercevoir de nombreux bâtiments, des hangars, des étables. Nous y sommes, il est midi et on a faim.

Vers le site internet de la ferme avec les plans et contacts de leurs deux boutiques à Bangkok (en anglais et thaï).

Les tarifs

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Il y a un nombre important de camions et pick-up frigorifiques. Le logo "thaifrench beff" sur le flanc, chaque véhicule est numéroté, on y remarque aussi un numéro de téléphone imposant afin de le voir de loin. C'est un numéro de Bangkok. En fait nous sommes à abattoir, l'atelier, la vente se fait principalement à la Capitale. On rencontre la responsable qui nous permet de visiter à notre gré, on peut faire des photos, « mai pen rai », mais pas de vidéo. Juste à coté, un petit bâtiment, le restaurant !

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On a faim et on se commande un bon steak. Il y a le choix. J'opterais pour une bavette d'aloyau bleue et mon ami d'un pavé-filet « médium » ! (Chut ! On mange!). Nous nous sommes régalés, cuisson parfaite, viande d'une tendresse soyeuse et le goût, eh oui le goût ! un petit goût de France avec un calme appliqué d'une clientèle thaïe studieuse sur leur assiette. Le restaurant est plein et comme les thaïs ne font rien à moitié, leur table regorge de plat, steak, en effet, il n'hésite pas, mais surtout, Du Lap cru ou cuit, soupe avec abats et panse, du soda et des glaçons venant noyés quelques bouchons de Brandy ou Whisky de bonne qualité. Manifestement, l'endroit est connu et reconnu ! Les prix raisonnables, la qualité de la viande, le calme de la campagne environnante n'étant sûrement pas étrangers à ce succès.

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Repus mais pas alourdis (nous avions encore de la route à faire vers le nord pour continuer notre quête de protéines, fromages et accessoires) nous allions à la boucherie, glacières en bandoulière. Hélas, nous ne trouvions pas toutes les pièces de viandes désirées. L'abatage a lieu le mercredi et le vendredi et nous étions un mardi, pas de chance ! Les bêtes à cornes étaient pourtant là, acheminées la veille de l'abatage des nombreuses fermes, où chaque propriétaire constituait le corps de cette coopérative, où selon un cahier des charges précis, ils élèvent ces races de bœuf résistantes, pour leur coté thaï et goûteuses pour leur coté « frenchi ». Le boucher nous dît alors qu'il valait mieux venir ces jours là, le mercredi ou le vendredi, les morceaux choisis étant alors sortis des frigos ventilés après trois semaines a les laissés rassir ! Le roulement des viandes, abatage, découpage et vente était bien ordonné. Le français qui avait monté cette « firme », qui leur avait vraisemblablement appris la découpe, est décédé depuis plus de deux ans et cela continu de bien tourner ! Il livre de nombreux grands hôtels sur Bangkok, des restos un peu partout, jusqu'au Laos. Ça tourne !

La route du serpent grillé !

Décidément, tout tourne autour des vaches dans le quartier !

Nous repartions direction Udon, en quête de fromages, nous avions aussi dans nos poches, tarifs, numéros de téléphone afin de se renseigner et de commander « à point » pour notre prochaine razzia dans la région !

La route du serpent grillé !

La route reprenait son rythme, camions de cannes à sucres, rizières à perte de vue, circulation dense sur cet axe bien droit dans ses bottes !

La route du serpent grillé !

Nous n'avions toujours pas vu de stand ou échoppes de serpents grillés. N'était-ce qu'une légende, alors ? Nous n'en verrions pas, de toute manière, au cours de cette boucle au sein de l'est et du nord du nord-est de la Thaïlande ! De toute façon, nous étions protéinés pour la journée sans une envie folle de s'attaquer à une matelote de serpent en papillote (eh oui, pourquoi pas?) !

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Eh bien, « la route des serpents grillés (thanon yagn gnou, ถนน ยาง งู) », est-ce une route traversée par des serpents qui finissent grillés sur le macadam ou comme certaines routes telle celle qui va de Khon kean à Phitsanulok où le risque est de voir des éléphants vous couper la route est réel ? Pas du tout, ce n'est qu'une forme de langage, la façon imagée deLa route du serpent grillé ! dire que la route montagneuse farcie de virages que nous avions traversée le matin était tel un serpent que l'on fait grillé...j'oserai le dire, plutôt la route des serpents écrabouillés, une étrange ressemblance. Mais je ne vais pas refaire la langue lao de l'ISAN. En France, ne dit-on pas d'une autre façon imagé, que la route fait des zigs puis des zags, juste des zigzags ?

Paille Kheundheu...

Ps : De nombreuses photos ont été prises sur le site de la Pon Yang Khram Farm...

« La gazette de Ban Pangkhan (23). Du 3/11/2013 au 10/01/2014.
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