C’est encore une histoire de fantôme, dont plusieurs versions circulent dans Venise et que parfois, on vous raconte, le soir, avant d’aller tenter de trouver le sommeil. Elle nous a été racontée par la fille du docteur Zorzi.
C’était un soir d’automne, le 29 novembre 1909, plus précisément. C’était à Venise, à l’heure où le brouillard commence à tomber sur les canaux et où chacun s’empresse de rentrer chez soi avant que l’obscurité ne transforme les rues une vaste chambre noire dans laquelle toutes les sensations allaient se transformer.
Le docteur Zorzi traversait Castello, dans sa gondole, espérant, lui-aussi rentrer chez lui au plus vite.
Comme pour rentre les trajet encore plus pénible, une petite pluie fine, mêlée de minuscule flocons de neige commença à tomber… tout doucement. Le gondolier donna un peu plus de pression sur la rame, afin d’aller un peu plus rapidement. Alors qu’ils approchaient du ponte Santa Ana, une jeune fille, depuis le pont, appela le médecin.
"Mon bon docteur, aidez-moi, ma mère est bien malade et a besoin de toute urgence d’un médecin. Je vous le demande comme une grâce, acceptez de venir…"
Le médecin demanda au gondolier de le déposer sur la fondamenta, en face du pont, et lui dit de rentrer chez lui, il finirait le trajet à pieds après avoir vu cette femme qui avait besoin de soins. A peine avait-il mis pied à terre que le jeune fille s’engageait dans la calle Crocera et qu’il dût la suivre rapidement.
Elle avait de long cheveux blond foncé, avec des reflets dorés, recouvert d’un grand châle noir. Ils arrivèrent sur la campo Ruga que la jeune fille logea par le côté droit, avant de s’engager sous le sottoportego Zurlin, ce passage sous une maison si bas que l’on doit y marcher courbé en deux. Une fois dans la corte, elle grimpa prestement un escalier étroit et sombre. Arrivée sur un pallier, elle ouvrit une porte et s’effaça pour laisser passer le docteur.
L’homme profita de la lueur d’une lampe à pétrole pour observer la jeune fille. Elle aurait très bien pu être ravissante avec ses grands yeux clairs, et sa bouche délicate. Mais, quelle maigreur !
Elle avait un teint si pâle qu’elle en semblait diaphane. "Cette fille ressemble à un spectre. Je dois penser à l’ausculter également, et lui prescrire quelques fortifiants" pensa le médecin tout en s’avançant dans l’appartement qui semblait composé d’une cuisine qui donnait sur la porte palière, et de deux autres pièces.
Une des deux portes était ouverte et laissait filtrer la lueur d’une bougie. Un râle venait de cette pièce. Il s’avança et entra dans la chambre où une femme était alitée, en proie à une forte fièvre, elle divaguait et râlait. Il s’assit auprès d’elle et commença son travail.
On ne sait combien de temps il resta auprès de la femme, avant de la quitter, rassuré sur son sort. Mais il ne vit personne en repartant.
Le lendemain, il vint dans la maison, de très bonne heure, voir la malade. Elle allait beaucoup mieux, et une voisine était auprès d’elle, essayant de lui faire boire un bol de bouillon bien chaud. Elle avait alimenté le feu et il faisait une bonne température dans la maison. Le médecin ausculta la malade, lui donna d’autre potions et des médicaments.
Après quoi, il dit à la femme qu’il voulait voir également sa fille. A ces mots, elle s’effondra en sanglots dans son lit.
La voisine tira le docteur Zorzi par le bras, jusqu’à l’autre pièce, une chambre, propre et bien rangée.
"La fille de cette pauvre femme est morte il y a un an. Elle avait tout juste vingt ans et était la beauté et la bonté personnifiée. Depuis, plus rien n’a bougé dans cette chambre, et cette malheureuse se laisse dépérir".
Sur une chaise, le médecin vit le châle noir qu’il avait vu sur la jeune fille de la veille au soir. Il saisi ce châle… il était encore tout humide de la pluie mêlée de neige de la veille.
Donata, alias LadyGhost a raconté cette histoire dans son blog Pensiero spensierato : Il fantasma di campo Ruga
C’est encore une autre version, et Aldo, du blog Venezianamente en a fait une traduction : Le fantôme du campo Ruga