En cette période d'après mousson, dans toutes les écoles de Thaïlande, les petites et les grandes, les privées comme les publiques se déroulent une journée dédiée au sport ! Une grande préparation est de mise, une occasion de faire une fête entre amis, entre villageois mais surtout, ne l'oublions pas, entre élèves de tous les niveaux de classes et de leurs professeurs.
À Ban Pangkhan, depuis quelques jours, on entend dans l'air frais de la saison sèche, les tambours et xylophones résonner ! Les fanfares se préparent pour le défilé. Marche au pas, rythmes coordonnés, lancer du bâton de majorette et portes drapeaux au cordeau. Autour du stade de football de l'école, car vous aurez d'ailleurs remarqué qu'en Thaïlande quasiment toutes les écoles, du primaire au secondaire, en possèdent un, les cortèges se chauffent !
Après le lever du drapeau et de l'entonnement de l'hymne national, une heure de travaux pratiques. « Boum Boum Boum, rataplan rataplan » annoncent les futurs jeux olympiques du village. Jeux du cirque ou véritable promotion du sport ? Là, est la question mais d'un autre coté, quelle drôle de question !
Ces journées sont inscrites dans le programme scolaire et aucune école n'y dérogera. Vous pourrez visionner sur YouTube, en cherchant un peu, ma connexion internet étant de l'âge de bronze, j'ai plutôt ramé, les démonstrations de force des grandes écoles de Bangkok et des universités qui en font quasiment un concours, une vraie compétition. Mais voici une vidéo de l'année dernière et celle d'un ami prise lors d'une fête d'une école importante dans un gros bourg en ISAN.
Vidéo Jeff 2012 Vidéo de OBEO (le lien vers son article)
À Pangkhan, pour faire simple, c'est comme ça qu'on le dit du coté de mes rizières, « thi pangkhan (ที่ พันขาง) », on sépare les écoliers en deux équipes, les jaunes et les verts, toutes classes d'âge mélangées, et les joutes peuvent débuter !
À cinq heures du matin, les miss, les portes drapeaux, les portes portraits du Roi et de la Reine, les portes trophées et coupes à gagner vont se rassembler dans une classe de l'école. Séquence maquillage, coiffure et habillage, déguisement ! Les institutrices sont maîtres en la matière. Sous le haut-vent en bordure du stade, les instituteurs s'occupent du branchement de la sono et réceptionnent les dons. En effet les familles emmènent des bonbons et saloperies en tous genres qui seront distribués aux lauréats en fin de journée. On peut donner aussi un peu d'argent, enveloppes qui serviront pour les multiples fêtes de l'école !
À huit heures du mat', je partais donc en compagnie de Tangmoo et je me pliais à la règle. Dépôts de chips et snacks et quelques billets rouges bien rangés dans une enveloppe cachetées, non mais des fois que... les tambours semblaient être déjà prêts. Par contre, une invitée non prévue était là, la pluie ! Pas de hallebardes mais du vent et une pluie bretonne d'automne qui vous mouille insidieusement...
Le cortège se mettait tout de même en route et les gamins en ont soupé dans tous les sens du terme. Les rimmels ont coulé, les survêtements se sont distendus et couverts de gadoue, et les tambours ont vu leurs peaux devenir flasques comme des ballons de baudruches ; je ne vous parle même pas des xylophones, eaux et ferrailles, pas bon, et les flûtes, flûte alors, leurs tuyaux se sont largement noyés... Mais tant bien que mal, sous la baguette de la directrice de l'école, on ne sait jamais, c'est encore la vieille école par ici pour les récalcitrants qui auraient décidés de ne pas marcher droit, le défilé eut lieu même laborieux qu'il fût !
Au retour dans l'enceinte de l'école, trempés comme des guenilles, nous eûmes le droit aux quelques blablas de circonstance, chaque donateur eut le droit d'entendre son nom à la sortie des hauts-parleurs qui déversèrent leurs décibels dans le moindre recoin des maisons du village, même celles qui sont les plus reculées. J'entendais Pougny Jeff et Mae OY bla bla et enfin... les premières épreuves pouvaient commencer.
Le sprint. 60 mètres pour les plus jeunes (PO3 et 4, CE1/CE2) et 100 mètres (bon dieu, ce fut long pour certains) pour ceux des classes PO5 et 6 (équivalent du CM1 et CM2). Et les autres comme Tangmoo par exemple qui est en PO1 (ceux de PO2 aussi) mais aussi ceux de la maternelle, ANUBAN1 & 2... ? Bah rien, no sport ! Churchill aurait été content... Va donc savoir pourquoi les plus jeunes sont privés de compétitions ? Toujours pas compris !
Les petiots eurent le droit de regarder la compétition, jouer les « pompoms girls and boys »... ? Eh, c'est comme ça, une journée à traîner, c'est long ! Enfin les enfants ont une capacité insubmersible à se trouver des jeux, des occupations, des « cours après moi que je t'attrape », « grimpe la dessus sinon t'es chat » traversant régulièrement la piste de course, irritant le speaker local qui a passé son temps à tenter de dégager la voie des sprinters mais aussi, comme c'est la fête, les jeunes ont une propension à dépenser des baths en pagaille dans les multiples charrettes de bouffes et de boissons. La valse des baths à défaut de la course aux médailles.
Me voyant d'ailleurs repasser par là, à califourchon sur mon vélo, il est opportun de s'échapper à intervalles réguliers de la torpeur afin d'y revenir par surprise, les instits' s'empressèrent de me mettre à contributions pour la remise des médailles ! Un farang même ISAN, c'est toujours bien pour l'album de photo de l'école ! Même dépenaillé, enfin... pas tout à fait tout de même, standing oblige, au grand dam de OY, Ma Dame, j'officiais à la remise des médailles du 60 mètres féminin, catégories petites copines de Tangmoo qui malgré leur maquillage dégoulinant, restant du défilé matinal, se poilèrent jusqu'à laisser entrevoir une rougeur de timidité sur leurs jolis visages poupins. Les médailles étaient en toc, certes, mais couleur Bronze, Argent, et Or tout de même et cela leur apporta une grande joie !
L'institutrice en chef du micro s'égosillait, farang par là, Jeffy par ci et la partie pouvait continuer...
Pétonc... Ah ! la pétanque ! Discipline qui ne s'est déclinée qu'au féminin avant que quelques pochtrons du village viennent s'approprier les boules, sans nous les mettre d'ailleurs, apparemment rien d'anormal,tout simplement pour tenter de prouver qu'ils savaient jouer de la boule ! La DJ, ne manquait pas de préciser que cette année « la pétonc » était de la partie puisque l'équipe féminine de pétanque thaïlandaise était devenue championne du monde aux dépends des françaises ! Bravo les miss !
La pluie s'était alors un peu calmé, pas le vent mais avant de continuer la compétition, l'heure du repas avait sonné, une pause bien méritée pour tous, belligérants et organisateurs qui d'ailleurs se défoulaient entre temps sur le micro pour s'adonner à leur sport favori, LE KARAOKÉ ! Les plus anciens rentraient dans la danse et les riziculteurs avant d'aller vers leur dur futur labeur, les moissons se dessinent à l'horizon, s'en donnaient à gosiers déployés. LAO KHAO à GOGO !
L'après-midi, le volley-ball apportait un réel engouement. Le terrain est près de la rivière, un préposé au ballon, vous savez, le ballon qui décide de nager seul sur les eaux de Mea Nam Chi Noï bordant l'école, est alors réquisitionné. L'animation était assurée. Il interviendra avec sa pirogue à de nombreuses reprises afin que les matchs puissent arriver à terme ! Les règles sont d'ailleurs étranges, les pieds étant tolérés mais ce doit être un débordement du traditionnel Takô, vous savez cette sorte de volley joué à trois contre trois sur un mini terrain de tennis dont le filet serait rehaussé, il se joue avec les pieds et à l'aide d'une petite balle faite de bambou !
Pour terminer cette journée mémorable, il y eut le match de foot, incontournable. Ils avaient dit à mon fils, gaucher et pourtant très adroit de son pied eh oui ! ça arrive, n'est-ce pas les droitiers ! qu'il jouerait mais ils ont du l'oublier...
Quand il sera grand, il se vengera et oubliera les petits lui aussi, NA ! Allez, ça va mon bonhomme !
Les verts ont gagnés ! Quant au jeu, eh bien, on comprend pourquoi la Thaïlande qui a pourtant un peuple si féru de football, ne joue pas les premiers rôles au niveau international ! Tous vers le ballon, allez allez les petits, les « coachs » ne disent rien ou des aberrations footballistiques, je ne suis pas non plus un as mais tout de même, j'ai tout de même donné dans ma jeunesse « Allez les canaris », ils laissent faire, les arrières restent à l'arrière et si leur équipe domine, il commence à s 'asseoir dans l'herbe en attendant une éventuelle attaque de l'équipe adverse, ils se mettent à rêver ! Le Thierry Roland de service commentant le match en direct, je ne vous explique pas le bazar mais il faut le dire, tout ceci dans un joyeux et incommensurable bordel ! Vous pourrez me dire, « mais ce sont des jeunes, ils s 'amusent », certes, mais j'ai assisté à des matchs d'équipes d'adultes, jouant en deuxième série nationale et j'oserai dire que c'est à peine un cran au dessus. Conclusion : On ne peut pas être champion de Muay Thaï et expert en football, non ?
La pluie faisait alors sa réapparition et le pré sec mais encore vert des bribes de mousson devenait un champs de boue...Il était temps que ça s'arrête. Tous les enfants eurent le droit à la redistribution équitable des saloperies déposés le matin. En symbiose avec le sport, les chips et gaufrettes aux graisses hydrogénées ! Non ?
Vous allez peut-être vous dire que la critique est aisée, mais en fait j'adore ces moments où tous se retrouvent. Les gosses, les profs, les anciens, les gueules soûles des rizières, les belles (et moins belles) sur leur 31, les marchands de glaces, les pourvoyeurs de bières et de Lao Khao, tous dans un moment convivial et arrosé où chacun se fend la poire et partage le plaisir d'être ensemble, « Tous ensembles, tous ensembles, tous ! tous ! ». Le sport n'en est que le prétexte. Que la Thaïlande ne soit pas championne du monde dans de nombreux domaines, ni collectionneuse de médailles olympiques en pagaille, peu importe, ici, on (ils, nous) s'en tape ! Peut-être pas pour certains thaïs des hautes sphères qui démontrent une fibre nationaliste exacerbée et voudraient que leur pays soit le plus fort et le plus beau mais qu'ils se rassurent, les romains d'abord puis les français et les roast-beef et désormais les américains n'y sont jamais arrivés. Heureusement, ces adeptes de la « haute thaïtitude » sont minoritaires au pays, même s'ils aiment à des intervalles constants démontrer leur force dans la rue, comme en ce moment par exemple, et dans certains meetings voire à la télévision nationale mais je peux vous le dire, à Ban Pangkhan, cela leur passe largement au dessus de la coiffe et cela ne leur empêche en rien d'être fier de leur pays, de leur culture et de leurs traditions. Ils ne demandent qu'une chose, qu'on les laisse tranquille, une vie simple sans contrainte, sans donneurs de leçons, qu'ils soient thaïs de la haute ou farangs intégrés (même désintégrés) voire de passage !
Vive le sport, Vive l'ISAN, « je vous ai compris »...
Paille kheundheu.
« La gazette de Ban Pangkhan (22). Du 2/09 au 2/11/2013Tags :