Hommage à Raymond Vergé !

Publié le 26 octobre 2013 par Jeffdepangkhan @jeffdepangkhan

Raymond Vergé, de son joli surnom Manao - citron en thaïlandais - dont le goût est emprunt d'une certaine acidité, il reflète bien le personnage, nous a donc quitté le 16 octobre dernier ; il souffrait depuis un bon moment et je ne sais pas si c'est une délivrance pour lui, mais il souffrait aussi et surtout en son for intérieur de l'humanité vacillante. Il n'avait que 58 ans et laisse un petit garçon de l'âge de mon fils Tangmoo et moi égoïste, je dis que sa plume acérée et sa verve va me manquer. D'ailleurs, j'ai pris le temps d'écrire cet hommage par respect du personnage. En déblatérant à chaud, on écrit parfois des bêtises et Raymond m'en aurait sûrement voulu ! Le dernier contact que j'ai eu avec lui, fut un courriel qu'il m'adressât (et à certaines de mes connaissances) le 13 septembre, sorte de lettre ouverte où il expliquait les difficultés liées à son mal qui le rongeait et un sentiment d'abandon d'une partie de ses "amis" et de son dernier employeur sur Pattaya. Il voulait envoyer cette lettre courriel à la communauté française pour la mettre en garde contre certains. Je ne  saurai jamais s'il eut le temps de la faire. Par contre, la dernière collaboration éditoriale de cet écrivain, chroniqueur, journaliste érudit et lettré était donc avec le journal Paris-Phuket. Habitant en Thaïlande depuis 1997, il avait aussi participé aux nombreuses publications francophones qui ont fleuries en Asie du sud-est ces dernières années. Nous avions une passion en commun, L'Inde et Bénarès particulièrement ; il L'avait dans le cœur et dans la peau cette cité millénaire et c'est d'ailleurs lors de mes articles sur mon premier voyage en Asie et en Inde particulièrement que nous nous sommes connus. Il m'a alors gentiment remis à ma place. Pas sur le contenu de mes articles, car je pense qu'il les appréciait sinon il ne m'aurait pas repris sur la syntaxe, la ponctuation et l'orthographe. S'il maîtrisait la langue hindie dont il était diplômé (eh oui, tout de même) et le thaï (écrit et parlé), Raymond était un amoureux de la langue française et je ne le remercierai jamais assez pour le déclic qu'il a suscité en moi ! J'ai alors réécrit tous les articles "Post Raymond". Lorsque j'ai publié sur le net "Un os dans le riz", il m'a aussi été de très bon conseil, comme ça, pour rien, pour l'amour des belles lettres. Alors, lorsque je taperai sur un point, un point virgule et autres, j'aurai une pensée pour toi Raymond et notre correspondance va me manquer...

Si vous ne connaissez pas ses écrits, je vous invite à les lire. Il éditait deux blogs dont voici un de ses textes qui est un bon exemple de l'esprit qui animait Manao.

Voici un regard sur l'illusion et la désillusion des farangs fraîchement arrivés en Thaïlande et particulièrement à Pattaya :

La recette du pigeon à la "pattayaise". par Raymond Vergé.
Voici une recette [pourtant] éculée mais qui marche encore de temps en temps comme une vieille paire de godasses que l’on ressort du placard pour partir en chasse guetter le bon coup de fusil.
Condition sine qua non: il est absolument indispensable de posséder, comme miroir aux alouettes, un acte notarié (authentique si possible) qui vous permet d’exploiter un établissement de la catégorie la plus commune et d’avoir effectivement l’usufruit, pour ne pas dire la jouissance, des lieux. Cela ne s’adresse qu’aux fonds de commerce plutôt déficitaires et dont il faut relever la sauce avec un peu de poudre de perlinpin. Pour ce faire, prenez un bleu bite de volontaire à l’expatriation n’ayant pas été nourri au grain d’ellébore et qui débarque la gueule enfarinée, pas encore dessalé malgré son âge mûr et déjà farci de belles liasses de biftons qui vous le rendent fort appétissant, surtout lorsqu’il annonce qu’il est prêt à mettre toutes ses éconocroques dans une affaire saine, car il est bien décidé à casser la baraque dans le but déclaré de se payer une retraite dorée au milieu d’un cheptel sans cesse renouvelé. Et une affaire saine, justement vous en connaissez une, la vôtre, que vous avez mis tant d’années à faire prospérer mais qu’il vous faut revendre maintenant pour acheter plus grand afin de mieux pouvoir assurer le train de vie auquel vous vous êtes gentiment habitué grâce aux bénéfices plus que confortables que vous accumulez quotidiennement derrière votre comptoir, livre de comptes à l’appui, tout en surveillant les « bons employés » d’un œil paternaliste, car en plus c’est devenu une affaire de famille et vous ne la céderiez certainement pas à un malotru qui ne prendrait pas bien soin du personnel. Oui, vous l’avouez, vous avez du mal à choisir parmi tous ces prétendants au trône [de votre petit royaume] et vous recherchez celui qui aura en plus cette généreuse touche d’humanité, ce petit supplément d’âme comme on dit à quelqu’un pour être sûr qu’il se reconnaisse.
C’est ce qu’on appelle passer la viande à l’attendrisseur. Ensuite, vous n'avez plus qu’à la faire mariner dans les aromates les plus subtils, et de la fumer au parfum du profit immédiat, savoureusement rehaussé par les douces fragrances d’un beau bouquet garni d’oseille et d’épinards au beurre frais. Pour que la sauce prenne, il vous suffit d’inviter une belle brochette de “barons” assoiffés que vous régalerez gratis pendant quelques soirées en présence de l’heureux élu. A l'occasion du verre de fermeture, vous lui accorderez l’honneur de faire la caisse lui-même, puisque il est “virtuellement” le nouveau patron, et avant la fin de la semaine, il viendra de bon matin avec une mallette de billets vous supplier de le suivre chez le notaire avec qui il a déjà pris rendez-vous pour conclure l’affaire du siècle, ou du moins de sa petite vie de labeur. Et vous avez eu juste le temps de récupérer deux ou trois objets personnels que déjà il se la joue big boss. Puis, les semaines, les mois passent, et les clients fidèles, ces ingrats, ne sont jamais revenus. Pas encore inquiet, notre nouveau caïd change toute la décoration et se ruine en publicité afin d’attirer le chaland, mais rien n’y fait, plus le temps passe, plus les comptes sont désastreux.
Un beau jour, il est “al dente”, et comme par hasard, vous lui rendez visite pour prendre de ses nouvelles; au moment où il commence à pleurer sur votre épaule, vous lui “sauvez la mise” en proposant de racheter ses parts. Devant ce geste magnanime, il est absolument confondu et n’aura aucune peine à comprendre qu’au taux de l’inflation locale et compte tenu de la baisse de l’euro, vous ne pouvez lui offrir que le tiers de ce qu’il vous a versé. Un peu de braise suffit pour rôtir les étourneaux… Lorsque vous avez réintégré votre palombière, il ne vous reste plus qu’à attendre le prochain passage, et d’ailleurs en cette saison les vols sont complets…

Si vous voulez lire du Manao voici les liens vers ses deux blogs :

   

Il avait aussi écrit une nouvelle se déroulant en Inde, un très beau texte,

Rédemption.

   1ère partie.  2ème partie.

mais aussi un recueil loin d'être politiquement correct

que vous pouvez vous procurer chez Edilivre.

Le lien vers Edilivre.

Vous pouvez aussi y lire une succincte biographie de l'auteur.

Biographie.

Et comme je te l'aurais sûrement dit de vive voix, si nous nous étions quittés, comme si de rien était,

Paille Kheundheu, Raymond !

Et si d'ailleurs tu vois dans ce texte trop de fautes, n'hésites pas à me le faire savoir...

Mais nous aurons sûrement l'occasion d'en parler lorsque l'on se croisera de nouveau quelque part en enfer...

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