La croisière s’amuse à Müggelsee

Par Elodieberlin

Que faire quand les plages des lacs berlinois sont bondées ? Et bien prendre le large avec des amis dont certains, si possible, savent naviguer, et au milieu de l’étendue aquatique, se jeter à l’eau !

C’est ainsi qu’un lundi matin un peu gris nous primes le S-Bahn jusqu’à la station Friedrichshagen . De là, même pas le temps de prendre un café, le tram arrive, on le prend au vol et on atterrit dans un port. Juste à temps pour les premiers rayons du soleil qui avait dû trop faire la fête le week-end et ne s’éveillait que maintenant.

Mon amie M. toujours bien organisée, avait réservé un bateau à moteur pour les 8 vacanciers que nous étions. La navigation était assurée par Fl. marin expérimenté et fiancé hollandais de mon amie F. (vous savez, celle qui a fait fortune à l’occasion d’une course de chevaux). Chacun avait apporté de quoi manger et boire, nous devions pouvoir survivre plusieurs jours en cas d’échouage sur une île abandonnée. On indiqua à Fl. comment maîtriser ce bateau qui peut se conduire sans permis. Apparemment il faut anticiper car il s’écoule un certain temps entre le moment où l’on tourne le gouvernail et celui où le navire réagit.
Les maillots de bain étaient ajustés, nous étions parés.

L’agilité de notre capitaine fut mise à rude épreuve dès la sortie du port. Nous traversâmes d’abord la Grosser Müggelsee et pûmes admirer une brasserie abandonnée (décidément elles sont partout !). Il s’agit de la Berliner Bürgerbräu Brauerei construite en 1869 qui produisit de la bière jusqu’en 2010.
Puis nous entrâmes sur un canal parfois assez étroit. C’est la porte d’entrée à la petite Venise, un adorable quartier constitué d’une dizaine de petits canaux bordés par d’élégantes demeures. Nous avons repérés quelques maisons et terrains à vendre et avons commencé à imaginer acheter en commun l’un de ces petits paradis. Puis on s’est dit que c’était un coup à se fâcher et que de toute façon ça devait être l’horreur pendant les inondations. On s’est donc contenté de commenter le bon goût (ou parfois le mauvais) des maisonnettes et jardinets.
Nous fûmes dépassés par un gros bateau de touristes, certainement jaloux de notre luxueuse embarcation, et Fl. fit preuve de la plus grande dextérité pour éviter que nous échouions sur l’un des nains de jardin qui se prélassait au bord.

Plus nous approchions de Dämeritzsee plus les maisons grossissaient. Nous arrivâmes à l’embouchure. Enfin de l’espace pour faire des zigzag sur l’eau et passer la barre au petit frère de Fl. Nous avons choisi avec soin notre lieu de baignade où jeter l’ancre. Malheureusement les réjouissances aquatiques furent de courte durée. En effet un gang de cygnes nous prit d’assaut dans l’espoir de nous voler nos victuailles. Nous dûmes abandonner notre bain à cause de ces pirates. Nous fîmes un nouvel essai un peu plus loin mais là encore ils tentèrent de nous attaquer. Heureusement un autre bateau de touristes plus généreux se trouvait à proximité et ils nous laissèrent en paix.

Nous reprîmes notre éreintante croisière, allongés en maillots de bain à l’avant du bateau en dégustant de délicieux sandwichs concoctés par F. Les bras de la Spree s’enchainaient : Seddinsee, Kleine Krämpe, Längersee, Dähme… Nous tentions de compter les adeptes FKK (Frei Korper Kultur = naturisme) que nous rencontrions mais nous dûmes abandonner face au nombre incalculable qui peuplait les eaux.

Nous abordâmes sur une étrange plage pour manger une glace. Grâce à l’habileté de l’équipage, nous accostâmes sans problèmes le long du ponton. Nous n’avions pas le droit de traverser la plage sans payer une taxe. Nous restâmes donc dans la zone gratuite et observâmes les quelques estivants, perdus sur le sable entouré par des bâtiments sans charme (sauf peut être les frises travaillées sur les frontons). Cette ambiance presque glauque nous poussa à reprendre le large.

Nous arrivâmes à Grünau et je pus deviner la silhouette de la salle de bal abandonnée que j’avais visité deux ans auparavant. Nous fîmes une deuxième pause bien méritée dans l’eau délicieuse. Cette fois-ci c’est nous qui prîmes en chasse les canards trop curieux.

Retour à bord et arrivée dans une nouvelle cité, Köpenick. Ses bâtiments abandonnés, ses nouveaux logements de standing avec balcon, sa mairie, son église, ses taulards (du moins c’est ce que nous avons supposé) qui jouaient au volley au bord de la rivière…

Déjà le port se profile au loin, suffisamment loin pour nous laisser le temps de repérer une villa et des entrepôts qui semblent abandonnés.

La manœuvre pour ranger le bateau à sa place dans le port est encore plus délicate que lors de notre départ. Un marin de la société de location vient à notre rescousse. Nous accostons en un seul morceau sur le quai, prenant soudain conscience que l’air est chaud et que l’on a certainement pris des coups de soleil. Le vent du large nous avait trompé et donné l’impression que la canicule était passée.

Malgré la fatigue bien compréhensible après une telle aventure nous décidons d’aller voir de plus près la villa qui semblait abandonnée. Nous marchons 5 minutes et nous retrouvons devant le portail signé BVB. Il y a des stores tout à fait modernes aux fenêtres du premier étage, un nom sur la boîte aux lettres et une pancarte indiquant que la villa est surveillée. Donc non, le bâtiment est loin d’être à l’abandon même si sa façade ne semble pas en grande forme. Alors que les questions se multiplient et que je réfléchis aux mots clés que je vais taper sur Google pour avoir des infos sur cette étrange villa, un cycliste s’arrête à notre hauteur. Il nous explique que cette villa hébergeait les bureaux de la BVB, version est-allemande de la BVG (société de transport berlinoise) et qu’aujourd’hui elle est habitée par des particuliers. Nous repartons enfin à Berlin en attrapant de justesse le tramway qui ne passe que toutes les 20 minutes. Il faudra revenir, nous sommes certains que les rives de la Spree cachent encore bien des mystères oubliés.