Après la Bulgarie, la Turquie. Il est 19h30. Notre train est annoncé en gare de Sofia pour Istanbul. Nous allons emprunter une portion de l’ancien Orient Express, dans sa version Simplon Orient Express, qui reliait jusqu’en 1977 Paris à Istanbul, via Venise et Sofia.
Agatha Christie, es-tu là ?
A bord, l’ambiance est Agatha-christiniesque : c’est simple, on se croirait plongé dans les Dix petits nègres. C’est d’ailleurs sur cette ligne que se déroule le roman. Les couchettes de quatre lits, spacieuses, s’alignent le long des couloirs où de larges vitres laissent défiler le paysage, et l’esprit vagabonder.
Ça, c’est pour les 20 premières minutes. Après, le couloir se transforme en un lieu de rencontre et de fête. Idem pour les couchettes où chacune a sa propre ambiance : cosy, en mode “salut t’es qui, tu viens d’où ?”, fêtarde, avec boisson et ripaille à volonté, aquarium, cigarette aidant, ou heu, romantique. Bon ça va maintenant, vous pouvez fermer la porte s’il-vous-plaît, merci.
Comme pour Cendrillon, la fête ne s’éternise pas après minuit. Sur le coup, on se dit que c’est un peu étrange mais vu la fatigue accumulée, on ne rechigne pas à se reposer. C’est après qu’on comprendra pourquoi tout s’est arrêté.
2h du mat’. L’heure d’apprendre le cyrillique ? Pas du tout, celle de se mettre au turc. Terminé l’espace Schengen, bonjour les contrôles douaniers. Pour les connaisseurs des formalités à la douane canado-américaine, c’est pareil, mais en turc. Je résume : attente, passeport, attente, questions, attente, tampons, attente, train, départ. Sur le papier, ça à l’air rapide, ça prendra tout de même près d’une heure et demie. C’est gros, un train.
On émergea vers huit heures, le temps d’apprécier l’arrivée à Istanbul, prévue un peu avant 9 heures. A peine arrivés, direction notre hôtel (on rêve d’une douche depuis 3 jours) dans le quartier européen de Beyoğlu, réputé pour son activité nocturne. Après une heure à tourner en rond (les rues sont minuscules et notre plan ne les nomme pas toutes), on trouve le lieu. Et là, l’échec : coupure d’eau. Pas de douche avant deux heures. Pile le temps d’aller boire un café turc et de peaufiner notre programme : au programme visite, marche, visite, marche, re-visite et re-marche. Nos pieds souffrent déjà.
L’hôtel est derrière Istiklal caddesi, LA rue piétonne, commerçante et festive de la ville. Sur une partie de ses deux kilomètres serpente un petit tram rétro à souhait, toujours en service. En la descendant, on passe devant le consulat de France et nombre de commercants (notamment des fabricants et vendeurs loukoums). L’oeil bleu, un porte-bonheur, est sur toutes les façades ou presque. A l’autre bout de la rue, la tour génoise de Galata. Et plus bas encore, un des deux ponts enjambe la Corne d’Or, cet estuaire du Bosphore qui sépare le quartier de la vieille ville.
Programme : mosquées, mosquées, églises, mosquées
Sur le pont, des pêcheurs s’activent en enfilade. En levant la tête, devant nous, plusieurs mosquées se dressent avec leurs minarets, dont la Mosquée Neuve, la plus proche du pont, qui date du XVe siècle. Sous réserve d’être discret, et donc de ranger son appareil photo, la mosquée se visite. Pensez à vous déchausser. L’intérieur est splendide avec ces immenses coupoles, ces lustres sur-dimensionnés et ces faïences aux murs. Vrai lieu de culte, l’ambiance à l’intérieur est solennelle et chaleureuse.
Nous sommes restés deux jours et demi à Istanbul. C’est peu, mais suffisant (avec un bon rythme) pour visiter nombre de mosquées. N’hésitez pas à vous engouffrer dans celles recommandées par les guides touristiques, les plus petites valent le coup d’oeil.
Bien sûr, il y a l’incontournable mosquée bleue (connue localement sous le nom de Sultanahmet Camii). THE mosquée. Avec ses six minarets, la seule de Turquie, elle est reconnaissable de (très) loin. Elle doit son nom aux carreaux de couleur (devinez laquelle) qui ornent l’intérieur du bâtiment. Plus grande mosquée du pays, c’est aussi la plus visité. Vous devinez la suite : vous ne serez pas seul.
Juste en face, ne vous y trompez pas, c’est une église, la très célèbre Sainte-Sophie. Derrière son imposante carrure se cache une vieille dame du 15ème siècle, qui est loin, très loin de les faire. Construite au 6ème siècle, devenue mosquée au 15ème avec l’ajout des minarets, c’est aujourd’hui un musée. Le bâtiment est célèbre pour ses mosaïques à fond d’or, sa coupole de 31 mètres de large pour 55 mètres de haut, exemple parfait de l’architecture byzantine.
Les bains turcs, fausse bonne idée
Après cette journée de visite, on s’est dit qu’on méritait bien du repos. Et des bains. Les fameux bains turcs. On repère dans le guide une adresse, qui nous précise la seule règle en vigueur : les bains ne sont pas mixtes (ce sont des bains, pas un club échangiste). On imaginait déjà la scène : hammam, massage, vapeur, chaleur, eau chaude, détente et relaxation. Sur place, après un baragouinage franco-turco-anglais, on nous invite à rentrer. Passé les vestiaires, la douche chaleur des lieux nous envahit. Problème : les lieux ne sont pas mixtes du tout. MALAISE. Et après qu’un turc trappu eût voulu masser une femme, on écourtera rapidement le séjour sur place. FRUSTRATION.
Un kebab (divin) et une chicha plus tard, ça va mieux. La nuit est déjà bien tombée sur Istanbul et on se dit qu’après deux nuits dans un train, et le gros morceau qu’est le palais de Topkapı demain, il vaut mieux aller prendre des forces. Minuit, les Stambouliotes sont de sortie sur Istiklal caddesi : la rue est bondée. Bars et clubs brassent du client à tour de bras y compris ceux PILE sous notre hôtel. Mon royaume pour des boules quiès.
La nuit fut courte, vous l’imaginez. Mais après deux cafés turcs, on est d’attaque pour le palais de Topkapı (prononcez « topkapeuh »), où résidait les Sultans, et son fameux harem. Loin du lieu de débauche imaginé, l’ambiance était plus plus proche d’un couvent. Mais avec des histoires de pouvoirs entre femmes, façon Secret story. Le lieu est immense : comptez une bonne demi-journée pour le faire de fond en comble. Tout au fond, le palais offre une vue imprenable sur le Bosphore et le pont qui relie Istanbul l’européenne à Istanbul l’asiatique, où nous ne mettrons pas les pieds, faute de temps.
Quelques visites de mosquées plus tard, la nuit tombe à nouveau sur Istanbul (comme tous les jours en fait, hein) ; on décide de passer la dernière soirée à Beyoğlu, à déguster quelques bières sur une terrasse en hauteur, à proximité de la tour de Galata qui offre un panorama fantastique sur la ville. L’appel à la prière retentit, plongeant quelques minutes la ville dans une ambiance mystique.
L’heure du retour… mais pas en Turquie
Le lendemain, direction le grand bazar, qui porte bien son nom. Des épices, des babioles, des théières ou encore des tapis, à perte de vue (ça nous rappelle Budapest), et des stambouliotes, partout. Dans le fond, les ruelles sont tout aussi étroites, mais l’ambiance y est plus calme. Un orage surprise nous pousse, pendant une bonne heure, à engloutir des thés en attendant le retour du soleil.
L’heure du retour approche. Mais notre avion pour rentrer en France ne décolle pas d’Istanbul, non, ce serait trop simple. Pour minimiser les coûts, on a choisi de décoller de Thessalonique, en Grèce, à 600 km de là. La bonne idée. Heureusement, les bus ne sont pas chers, et fréquents, et une nuit de plus ou de moins en transports… Nous sommes donc arrivés vers 6h du mat’ sur les bords de la mer Egée, sans encombre autre que la douane, mais qui fut plus rapide qu’à l’aller, vrai terminus de notre voyage.
On récapitule ce rail trip : 2000 km en train (et un peu en bus) en une dizaine de jours, 5 pays traversés, 5 nouvelles langues découvertes (et un mot quasi universel [Tchaï], le thé) et autant de monnaies. Deux mots : merci l’Interrail.