Devenir bonze en Thaïlande ! Reste-t-il des vocations ?

Publié le 13 avril 2013 par Jeffdepangkhan @jeffdepangkhan

De nos jours devenir moine en Thaïlande n'est plus vraiment dans l'air du temps...

Je lisais, il y a des semaines en arrière, un article dans le BangkokPost qui tirait un signal d'alarme...Il n'y aurait plus que 90 000 moines permanents en Thaïlande ! Si l'on considère que la Thaïlande compte environ 70 000 villages soit un minimum de 70 000 temples (nombreux sont les villages totalisant deux temples comme celui où je vis, Ban Pangkhan), vous aurez vite fait de comprendre le problème qui se pose « au clergé » thaï. Il n'y aura bientôt plus assez de moines pour vivre au temple...Il y a dix ans, on dénombrait encore plus de 300 000 moines au pays...Les vocations sont-elles en berne ? C'est indéniable et les raisons sont évidentes !

[…]

Tout d'abord le pays s'est considérablement enrichi ces dernières années. Souvent dans les temps anciens les familles pauvres « sacrifiaient » une de leur progéniture pour qu'elle devienne bonze. Les familles nombreuses étaient légions et un bouche de moins à nourrir n'était pas négligeable. Il y a dix ans l'école était déjà obligatoire mais à l'aube des études secondaires, le coût de celles-ci étaient souvent hors de prix pour de nombreuses familles, et si un de vos enfants se trouvaient être le premier de la classe, si l'on voulait qu'il continue ses études, le temple-école était la solution. Les instituteurs poussaient les familles pour que leurs progénitures qui en avaient les moyens intellectuels puissent poursuivre leurs études auprès de Vénérables qui les prenaient alors en charge et les temples où l'enseignement autre que les préceptes du Bouddha était prodigué, étaient nombreux. Aujourd'hui, les temples où l'on enseigne sont encore bien là mais la structure des familles a bien changé, la norme est plutôt de un voire deux enfants par famille même si quelques familles dans le besoin continuent d'envoyer leurs garçons dans ces temples, mais cela est devenu très rare...Je ne parle pas hélas des filles issues de familles pauvres qui elles n'auront que la triste solution d'aller à l'usine, ou être bonne à tout faire voire pire finir dans des bordels du pays...

Les temples se vident, les jeunes étant plus attirés par les lumières de la ville et leur temple de la consommation, les centres commerciaux ne connaissent pas la crise, ils fleurissent de partout et l'ISAN n'est pas en reste...je lisais des commentaires à ce sujet qui préconisaient que l'on offre un I PHONE 5 aux jeunes bonzes pour leur faire naître la vocation, vous l'aurez bien compris étant des commentaires du second degrés...Enfin peut-être que...

 

Les temples survivent grâce aux dons des dévots qui s'achètent des mérites en bardant les temples de feuilles d'or, de portes monumentales ou de lieux de retraite pour les bonzes digne d'hôtels de luxe. Exagérerai-je ? Sûrement ! Mais ces lieux de retraites n'ont plus rien à voir avec la petite cabane dans la foret, simple et propice à la méditation...

À Ban Pangkhan, le temple du village ne compte plus que son immuable Vénérable, les autres moines sont décédés et les seules qui l'accompagnent aujourd'hui sont les moines de passage, les moines itinérants, ceux qui font « leur service obligatoire », la famille se met encore en quatre pour que le fils de famille aille encore faire sa retraite au temple...Un passage de trois mois, grand maximum, cela donne de grandes fêtes mais le passage au temple terminé, rares sont ceux qui restent pour la vie, du moins pour un long moment...

Le temple de Sélaphum, « capitale » du district d'où dépend notre village, Ban Pangkhan, tentent même depuis ces dernières années de faire naître les vocations. Ils font le tour des villages durant les grandes vacances, ils viennent faire le Taak Bak, une longue procession de moinillons entourée de Vénérables défilent le long des ruelles des villages...Tous participent à ce moment privilégié avec admiration, mais est-ce suffisant pour susciter les vocations ? Rien est écrit...

Alors durant les vacances scolaires, les enfants continuent d'aller au temple pour une initiation. Les potes de Tangmoo ne sont pas en reste et cette année ils sont une dizaine à passer leur mois de vacances au temple du village...le Vénérable à l'air satisfait, le jeune moine qui l'accompagne est un moine qui passera ses trois mois au temple du village avant de retourner à ses occupations, en attendant il fait de nombreuses photos des jeunes, peut-être pour leur donner l'envie de rester au temple voire d'y retourner plus tard. Après les vacances les enfants retourneront à l'école, alors notre moine sera-t-il le dernier du temple à passer tous les matins pour officier le Taak Bak ?

Le Bouddhisme Theravada connaît donc lui aussi sa crise des vocations et vu l'évolution de la société thaïlandaise, les temples vont sûrement être gérer dans un futur proche en grande majorité par les laïcs mais les villageois comme ceux de Ban Pangkhan se le sont appropriés depuis bien longtemps...Les temples ne rentreront pas de sitôt dans une sorte de léthargie comme les églises de France et de Navarre, nous en sommes encore loin mais la tendance est là! La mondialisation a bien fait son travail, plus de biens matériels à défaut de spiritualité même si les habitants du royaume restent très fervents, ils le sont le plus souvent individuellement devant leur petit temple de leur maison ou de leur chambrette à Krung Thep ne sortant au temple lors des grandes occasions. Le temple est aussi le centre névralgique d'un esprit communautaire, d'un lien solidaire entre les gens d'un village, d'une ville, d'un peuple. Le temple est, et particulièrement en Thaïlande, le lieu qui fait que le peuple de l'eau arrive à coexister dans une certaine harmonie alors si le temple se meurt...

Paille Kheundheu...

Je voulais aussi vous souhaiter à toutes et à tous

un joyeux Songkran, un joyeux nouvel an !

Que cette célébration soit...

Sanook sanook !



 

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