A Hébron, 2000 militaires israéliens veillent à la cohabitation. Conflits et mépris font partie du quotidien.
Une heure avant le Shabbat, vendredi, le soleil se couche sur les monts de Judée. Les juifs d’Hébron rejoignent leur domicile pour ce jour de repos. La vieille ville se vide, plus un bruit dans les rues. Un calme seulement d’apparence.
A tout moment, des tirs peuvent rompre ce silence. S’ensuivent des sirènes et des vrombissements de moteurs. Les soldats israéliens, fusil en bandoulière, sont prêts à intervenir. Postés à chaque coin de rue, ils scrutent leur périmètre. Leurs visages fermés n’effacent pas leurs traits fins. Hébron accueille de nombreux jeunes Israéliens pendant leur service militaire obligatoire : 21 mois pour les filles et 3 ans pour les garçons.
Dans les rues, au sol, des lignes jaunes sont tracées et mènent aux cabines de surveillance des militaires. Un système pour orienter les Israéliens en cas de troubles dans la ville. Si une manifestation dégénère, les militaires peuvent propager un gaz incolore qui dégage une odeur d’égouts insupportable. Un moyen de dispersion efficace.
Souvent radicaux et armés, les colons juifs d’Hébron se posent comme les défenseurs de la ville. Chassés en 1929 par des pogroms, les Israéliens s’y sont réinstallés en 1967. Depuis cette date, 2000 soldats surveillent leurs relations avec les Palestiniens. Le dispositif militaire est disproportionné voir absurde : un poste de police a été juste construit pour une habitante juive. La vieille femme vit dans une maison bâtie côté palestinien mais dont la porte d’entrée est située du côté israélien. Pour assurer sa sécurité, un militaire surveille ses déplacements.
H1 et H2
Depuis 1997, la ville est divisée en deux zones, délimitées par un mur et des check points : la zone H1, sous contrôle de l’Autorité palestinienne, et la zone H2 sous contrôle israélien. Les colons juifs vivent sur les hauteurs de la ville. En contrebas, les Palestiniens ont grillagé leurs maisons et des filets sont tendus au dessus des ruelles. Ils soutiennent des cailloux, des bouteilles et des déchets déversés par les colons sur les habitations arabes. Pour défendre les Palestiniens, une association israélienne de défense des droits de l’Homme a choisi de les « armer » de caméras vidéo. Leurs films peuvent servir comme preuves devant les tribunaux israéliens.
Malgré ce sentiment d’insécurité, les habitants d’Hébron ne veulent pas quitter leur ville. La raison ? La présence du caveau des Patriarches. Ce site, constitué d’une synagogue et d’une mosquée accueille les juifs et les musulmans. Il renferme le tombeau des fondateurs du judaïsme, qui sont aussi des prophètes de l’islam. Surnommé la “Porte du ciel” dans la littérature juive ancienne, le caveau des Patriarches est considéré comme “un point de connexion entre le monde physique et spirituel” pour Noam Arnon, dirigeant de la communauté juive d’Hébron.
Conscients de la sacralité du lieu mais épuisés par la violence quotidienne, certains Palestiniens ont voulu partir d’Hébron. Mais quitter la ville est perçu comme un acte de non-résistance face aux colons. Certains Palestiniens ont même reçu des menaces de mort après avoir mis en vente leur maison.
Attentat en 1994
Les juifs et les musulmans d’Hébron se présentent comme les protecteurs du caveau des Patriarches. Le site a été le lieu d’un attentat en 1994 : Baruch Goldstein, un colon radical a tué 29 Palestiniens et en a blessé une centaine d’autres avant d’être battu à mort par les survivants. Le massacre a été condamné et jugé ”inacceptable” par la Knesset (le parlement israélien) mais sur la tombe du meurtrier, on peut lire “Au saint Baruch Goldstein, qui donna sa vie pour le peuple juif, la Torah et la nation d’Israël”.
A la sortie du tombeau des Patriarches, des adolescents vendent des bracelets aux touristes et les suivent dans la rue Suhada, l’ancienne artère commerçante d’Hébron. De chaque côté de la rue, les rideaux de fer des boutiques sont baissés, des étoiles de David sont taguées et des drapeaux israéliens flottent au-dessus des enseignes écrites en arabe. En 2000, lors de la première Intifada, l’armée a décidé de “stériliser” l’avenue. Aujourd’hui, les passants ne s’y attardent plus. Dans ce climat délétère, Hébron fait fuir les touristes. Mais des guides continuent d’organiser des circuits de la ville et d’expliquer leur version de l’Histoire.
Au sud de la Cisjordanie, Hébron est l’une des villes où les tensions communautaires sont les plus importantes du monde. En 1969, les colons juifs décidèrent de se réinstaller dans cette ville symbole. En effet, elle abrite le tombeau des Patriarches où reposerait le prophète Abraham, l’ancêtre de deux peuples sémitiques: les Arabes et les Juifs. Aujourd’hui, la cité, pourtant située dans les territoires palestiniens, est sous statut particulier.
© Photo Frederic Sauron
" data-orig-size="4272,2848" aperture="aperture" />Conformément à la politique d’implantation d’Israël en Cisjordanie, les colons, dont beaucoup sont d’origine française et américaine, ont des habitations situées en hauteur des maisons palestiniennes. Particulièrement agressifs ici, ils jettent leurs détritus dans les rues arabes depuis leurs fenêtres. Dans le souk de la ville, les Palestiniens ont dû construire une grille en continu au-dessus de la rue commerçante principale pour se protéger.
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" />Chaque année, les blessés se comptent par centaines dans cette ville sous tension permanente et où on recense, chaque année, 40% des incidents israélo-arabes en Cisjordanie.
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" data-orig-size="4272,2848" aperture="aperture" />Ce grillage sépare une rue arabe et une partie des rues habitées par les colons.
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" data-orig-size="4272,2848" data-image-title="Une ville coupée en deux" data-orig-file="http://i1.wp.com/www.caraporters.fr/wp-content/uploads/2013/03/Hebron-4.jpg?resize=4272%2C2848" aperture="aperture" />Dans les rues palestiniennes trop proches des colonies israéliennes, l’État hébreu a ordonné la fermeture de près de 2000 magasins arabes « pour des raisons de sécurité ». Contrairement à la Bande de Gaza qu’il contrôle, le mouvement palestinien fondamentaliste Hamas est pourtant peu présent en Cisjordanie, chassé aussi bien par Israël que par l’Autorité palestinienne dirigé par le Fatah.
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" data-orig-size="2848,4272" data-image-title="Fermeture" data-orig-file="http://i2.wp.com/www.caraporters.fr/wp-content/uploads/2013/03/Hebron-5.jpg?resize=2848%2C4272" aperture="aperture" />Ils sont quelque 550 colons israéliens à avoir choisi de venir vivre à Hébron au milieu de 140 000 Palestiniens. Leurs colonies sont surprotégées par plus de 2000 militaires en plein milieu de la ville.
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" data-orig-size="4272,2848" data-image-title="Colonies" data-orig-file="http://i0.wp.com/www.caraporters.fr/wp-content/uploads/2013/03/Hebron-7.jpg?resize=4272%2C2848" data-image-meta="{" eos="" data-medium-file="http://i0.wp.com/www.caraporters.fr/wp-content/uploads/2013/03/Hebron-7.jpg?fit=300%2C200" />Cette jeune fille a vu sa maison incendiée par des colons juifs en 2008. Sur le toit de sa maison a été installé un bunker de l’armée israélienne qui a parfois du mal à contenir l’agressivité des colons.
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" data-orig-size="2848,4272" />L’entrée du tombeau des Patriarches qui est régie par deux checkpoints. Ce lieu ultra-sécurisé a la particularité d’être moitié synagogue, moitié mosquée. C’est ici que le fanatique Baruch Goldstein, un colon radical, a tué 29 Palestiniens et en a blessé une centaine d’autres en 1994.
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" data-orig-size="4272,2848" data-image-title="Tombeau des Patriarches" data-orig-file="http://i2.wp.com/www.caraporters.fr/wp-content/uploads/2013/03/Hebron-9.jpg?resize=4272%2C2848" data-image-meta="{" eos="" aperture="aperture" />Le tombeau d’Abraham est situé au milieu du tombeau des Patriarches. Il est ainsi visible côté synagogue et côté mosquée.
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" data-orig-size="4272,2848" data-image-title="Tombeau d’Abraham" data-orig-file="http://i0.wp.com/www.caraporters.fr/wp-content/uploads/2013/03/Hebron-10.jpg?resize=4272%2C2848" data-image-meta="{" eos="" aperture="aperture" />Ultra-orthodoxes pour la majorité, les colons d’Hébron ont choisi de vivre ici « pour reprendre la ville aux Arabes » et usent quotidiennement de provocation pour faire fuir les Palestiniens. Selon les associations israéliennes de défense des Palestiniens dans les territoires occupés comme ICAHD, depuis la seconde Intifada en 2000, plus d’un millier de maisons arabes ont été abandonnées. Nombreux sont les habitants de l’État hébreu à condamner l’attitude de ces « fous de dieu » marginaux qui vivent en Cisjordanie. Des militants israéliens anticolonialistes viennent, d’ailleurs, régulièrement apporter leur soutien aux Palestiniens.
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" data-orig-size="4272,2848" aperture="aperture" />Des militants juifs défendant les positions de l’extrême-droite israélienne, religieux ou laïcs, provenant essentiellement d’Europe et des États-Unis, viennent, de leur côté, soutenir régulièrement l’implantation des colons israéliens à Hébron. Selon eux, la Palestine appartient au peuple juif et ils prônent l’expulsion des Palestiniens vers la Jordanie voisine.
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" data-orig-size="4272,2848" />Autre cliché d’une manifestation d’ultras-sionistes. Même si la majorité des Israéliens reste favorable aux implantations juives dans les territoires occupés par Israël en Cisjordanie (1), bien qu’illégales au regard du droit international et condamnées par l’ONU, beaucoup d’Israéliens désapprouvent le cas d’Hébron. Il arrive même que Tsahal, l’armée de défense d’Israël, expulse des familles de colons habitant dans cette ville palestinienne, l’acquisition de leurs maisons ayant été jugée illégale par l’administration civile de l’État hébreu.
(1) 64% des Israéliens seraient favorables à la poursuite de la colonisation selon un sondage réalisé en 2012 par l’Israélien Miriam Billig, directeur de la recherche et du développent de la Samarie et de la vallée du Jourdain, et Udi Lebel, du centre universitaire d’Ariel – la quatrième plus grande colonie juive en Cisjordanie et la plus grande qui n’est pas à proximité de la Ligne verte. La principale raison de cette prise de position, bien que la colonisation soit illégale : « Les colonies constituent une ceinture de sécurité autour de Tel Aviv ».
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