La veille, nous avions donc assisté à une agression dont tous, polices, filles de Simasong, patronne du lieu et nous même mais aussi apparemment les deux farangs qui avaient pris le coup de bois dur, ne comprenaient pas pourquoi celle-ci les avaient concernés de plein fouet, dirons nous...Voir l'article précédent, "règlement de compte à "karaoké Koral Sé" ? (1ère partie).
Le lendemain « Willy et William -noms d'emprunt » allaient-ils nous le dire ou la police aurait-elle mis la main au colback des agresseurs, on allait enfin savoir !
[...]
Le matin, pas extrêmement loquasse, les matins de nuits difficiles sont souvent souffrances et grandes fatigues, il faut le dire, je partais vers le poste de police de Sélaphum...Je pris rendez-vous chez Da, place des bus, avec mon ami pour que nous allions tous les deux témoigner au commissariat de la ville ! L'avantage est que le bistrot-épicerie-resto-bazars de chez Da à sa porte de services qui est d'ailleurs aussi occasionnellement une pissotière libre donnent dans l'arrière cours du poste de la marée-chaussée. Un passage au milieu des maisons de fonctions des fonctionnaires et on arriva très vite devant l'entrée principale du bâtiment de trois étages, un sous sol avec cages à « sâoulins et pingouins » en tous genres , et vous comprendrez que les photos sont plutôt interdites dans ces endroits...En arrivant en compagnie de Ma Dame Oy, vu l'histoire, friand de potins la femme thaïe voulait venir « pour voir », « des fois que », d'ailleurs la femme de mon ami nous rejoindrait très rapidement...
Nos deux gaillards de la veille était là, encore moins fringants que nous deux, l'effet anesthésiant de l'alcool était dissipé et si la veille au soir les blessures ne se voyant pas trop avaient pris de l'ampleur. Le premier avait une joue disproportionnée par rapport à l'autre et le deuxième avait le coin de l'œil gauche qui ne pensait qu'a faire de l’œil et un bord de lèvre inférieur gauche digne de babines de chimpanzé...Manifestement le premier avait pris de coté et l'autre de face...
L'américain était aussi avec sa femme, l'anglais n'avait pas de dulcinée et n'était pas résident permanent des contrées d'ISAN, il avait femme mais en bord de mer...On discutait le bout de gras, et manifestement ils n'avait toujours pas compris quelle était la raison de cette agression, une chose était sûre, ils en tenaient un sévère la veille et peut-être avaient-ils zappé des moments de la soirée ? On attendait dehors, l'arrivée de la patronne du Simasong qui avait encore une tête plus désolée que la veille, comme si les bagarres à la sortie de sa cantine n'étaient pas légions ! Certes cela ne devait être l'habitude que le farang se fasse tabasser, on pouvait au moins lui reconnaître ça et alors commencer à la plaindre de cette mésaventure qui était arrivé devant son établissement. Elle tenait dans la main un morceau de bois, venant d'une atelier de réparation de camions, mitoyen de son Simasong. Elle dit de suite à la police que cela devait être vraisemblablement l'arme de destruction de farangs anglo-américains, elle avait été jetée le long du mur de la boite, sortie d'un feu de bois qui n'avait pas fini de se consumer. À ce moment-là, je peux vous dire que ce bois dur voire plus dur que dur de 80 centimètres et un epu plus de 5 centimètres de circonférences aurait pu faire beaucoup plus de dégâts... La patronne donna alors plusieurs coups de fil et à peine un quart d'heure plus tard les chanteuses du Simasong arrivèrent, les voir de jour d'ailleurs me parut étrange comme situation, je croyais ne pas vraiment vivre l'instant, comme une vision, mais passons. Les filles rentrèrent dans l'une des salles du poste de police, il y avait comme j'aime à le dire très souvent, « du monde au balcons » ; En effet les deux farangs fracassés au fond de la pièce devant des bureaux ou siégeaient trois flics, la femme, ma femme, mon ami et moi debout juste derrière ,la patronne et ses filles, trois policiers de services assis à des bureaux métalliques, perpendiculaires aux premiers bureaux où la discussion menait grand train...En fait comme souvent en ISAN, tout le monde parlait en même temps, il aurait fallu une autorité pour que l'on s'entende, et pourtant l’autorité était bien là, on était même dans son bâtiments, mais en ISAN, les flics restent très zen du moins en façade et leur patience est grande!
Nous étions donc bien dans le poulailler et c'est peu dire, à n'y rien comprendre de ces échanges verbaux ! Le langage lao chauffait sec et j'avoue que dans ces conversations où l'on utilise beaucoup de mot technique et précis que je n'utilise que très rarement voire jamais me donnait l'impression d'avoir perdu mon latin, enfin mon lao plutôt...
Lorsque les flics commencèrent enfin à bouger, les filles, nous, la patronne, tous en fait à l'exception de nos deux farangs se retrouvèrent dehors...Dix minutes plus tard, arrivait en pick-up encadré de deux uniformes un jeune garçon, la gueule plutôt enfarinée, vraisemblablement à peine sortie des bras de Morphée. Il avait l'air de ne rien comprendre à ce qu'il lui arrivait. Très vite, la tête baissée, il semblait acquiescer ce que lui demandait le gradé de service...Ils lui montrèrent la matraque de bois, il semblait dire oui, nous nous étions dehors, on ne pouvait que subodorer l'échange entre les trois flics, ils était trois désormais autour de lui et ils se rapprochaient de plus en plus du « chenapan », un mot faible si c'était lui le fautif-agresseur mais je n'avais pas vraiment le souvenir de lui, je le connaissais de l'avoir croisé quelques fois à Sélaphum, un bec de lièvre le caractérisant et traînant très souvent le soir pas très loin de chez Da avec toujours la même bande d'azimuts, toujours entre Lao Khao et Yabba …
Les filles du Simasong et leur patronne que nous connaissions plutôt bien avec qui nous entamions la discussion ainsi qu'avec nos femmes, la femme de mon pote était désormais là, nous expliquèrent qu'elle se rappelait de ce gars ainsi que d'un autre gars, que celui assis devant les flics n'était pas le roi de la gaule mais plutôt le conducteur de la moto que nous avions vu partir dans la nuit lorsque nous nous étions retrouvés dehors après la chute des deux farangs...
Après confrontation avec les deux plaignants, puis avec nous qui s’avéra interrogative, en effet personne était formel de la présence de ce garçon sur place, signature lui fut demandé car apparemment il avait fait des révélations fracassantes, il avait dit tout naturellement ce qu'il avait fait et avait dit les noms des autres protagonistes de cette histoire...L'un des policiers dit plus tard qu'il avait un lourd passé et de nombreux passages en « zonzon » de Sélaphum et qu'il ne voulait pas passer un séjour dans une prison d'état dont il avait apparemment déjà eu le droit d'y goûter l’inconfort et sa fonction inhospitalière !
Les filles et leurs patronnes et nos femmes allèrent alors s’asseoir sous une pergola en extérieur, les discussions pouvaient continuer de plus belles...Les deux farangs ainsi que la femme de l'américain mais aussi mon ami et moi étions conviés à aller rencontrer « le big boss » de la police de Sélaphum.
Assis sur le parvis de sa maison de fonction, devant lui une table en teck tel un piédestal, pouvant alors surveiller tout aller et venu au sein du poste de police, « the big boss » se leva pour tous nous accueillir. Son port était altier ; il était entouré de trois flics en civil, escouade d'investigation ou unité spéciale anti-yaba (méthamphétamine), parlant parfaitement anglais, il fit un beau discours politiquement correct, que ce crime ignoble ne resterait pas impuni etc... Il voulait une enquête exemplaire et en bonne et due forme. En attendant les deux estropiés devraient se rendre à l’hôpital pour faire constater et évaluer leurs blessures ; nous autres étions libres de vaquer à nos occupations respectives mais nous devions revenir en début d'après-midi signer les procès verbaux. Déjà deux heures et demi que nous étions dans le commissariat et cela s'éterniserait encore, enfin, on pourrait toujours aller manger un morceau. La patronne repartit, on ne la reverra plus, du moins au poste de police, les filles partirent manger et peut-être se rafraîchir un tantinet car elles semblaient comme le garçon à la tête de lièvre, avoir été tirées du lit plus vite que leurs rêves...
Nous revenions sur les coups de deux heures, les deux farangs n'étaient pas revenus de l’hôpital, sûrement plus long que prévu le check-up et puis la coupure repas inévitable dans toutes administrations qui se respectent, même à l’hôpital, ont fait qu'on devait encore les attendre ! Cela n'en finirait pas ?
Mais il y avait une nouveauté, le gars au bec de lièvre était revenu avec un homme plutôt âgé, du moins pour être un de ses potes, dans la quarantaine et une fille, la tête en vrac, les yeux dans le vide, les cheveux courts à la garçonne, habillée comme un sac, une vraie allure de Tom-boy, du moins voulant le paraître...On fut une nouvelle fois invité à rentrer dans le poste de police, Willy et William venaient aussi d'arrivés (enfin), on nous laissa avec deux filles du Simasong sur les canapés en skaïs du premier bureau, « l'ancien », bec de lièvre et Tommy boy avec la femme de l'américain, son mari et l'anglais devant les bureaux en ferraille du second bureau...
On entendit la discussion aller bon train, les flics haussaient le ton ? Quelques palabres plus loin, les trois qui apparemment étaient derrière toute cette histoire sortirent, remontèrent sur la motorbike et partirent sans se retourner... Étonnant ?
Les deux farangs nous invitèrent à rentrer dans le deuxième bureau, d'autres flics, des connaissances s'étaient aussi invités, il y avait du monde dans le bureau et cela piaillait dur et sec ! Quelques gâteaux et gâteries d'ISAN sortirent d'un peu partout, des sacs de chacun et des tiroirs des bureaux métalliques !
Allait-on enfin savoir le fin mot de l'histoire ?
Les policiers nous demandèrent une fois de plus si l'on reconnaissait la fille qui venait de passer au poste et à part le fait de l'avoir vu dans les mêmes endroits de Sélaphum que son pote « bec de lièvre », c'est à dire aux alentours de chez mister Da, je ne me souvenais pas de celle-ci étant présente au Simasong la veille au soir. On nous demanda si on connaissait une autre fille du nom de Mae et si on avait le souvenir d'une nouvelle venue au Simasong. Ils notèrent que nous ne connaissions aucune Mae, enfin du moins de nom et une nouvelle au Karaoké, oui en effet, une fille qui était en état très avancée la veille au soir traînait dans la boite depuis une bonne semaine. Avions nous vu quelques choses de particulier à propos de ces filles ? Notre réponse fut, non ! Les flics nous remercièrent ainsi que les filles du Karaoké, il était presque cinq heures du soir, 7 heures que nous y étions et on ne nous dît rien...Cela n'était pas possible !
Alors les deux filles du Simasong nous expliquèrent le schmilblick, car elles, elles connaissaient parfaitement tout ce beau monde !
Mae était une lesbienne qui venait de temps en temps au Simasong, la petite au regard en vrac était aussi une Tom-boy et sa copine, la nouvelle chanteuse du Simasong, celle qui était à trois grammes la veille et qui n'avait pas pointé son nez de la journée au poste de police.
Et l'ancien alors, qui était-ce ?
Il était le père de celui qui avait porté le coup de bâton, le donneur de coup ayant pris les jambes à son coup.
Mais alors, pourquoi les coups de bois dur ?
Quel pouvait être le mobile de cette agression ?
La Tom-boy, copine de bec de lièvre et de celui qui avait pris la poudre d'escampette, avait vu sa copine, chanteuse au Simasong, s’asseoir à coté des deux farangs en goguette mais si je me souviens bien, vu l'état alcoolique de la « chrooneuse d'ISAN », elle s'était assis aussi à coté de nous, moi et mon ami !
La fille aux yeux vrillées aurait vu un des deux, soit disant l'américain lui parler d'un peu trop près, trop de son corps à son goût et l'autre (l'anglais) aurait mis la main aux fesses à cette mystérieuse Mae... Mae mère « spirituelle » du garçon qui avait donc pris ses jambes à son cou depuis, mais surtout la Tom boy, jalouse, aurait demandé au garçon moyennant quelques baths de donner une leçon aux deux farangs...Explication de l'histoire, tout simplement. Comme d'habitude, histoire de fesses et trop plein d'alcool, de Ushuaïa à Vladivostok en passant par Sélaphum, fille ou garçon, hétéro ou homo, gens du cru ou étrangers décidément, c'est toujours la même histoire !
Avant de partir, le chef qui était descendu de son piédestal pour rejoindre le bureau où les farangs en avaient sûrement pour encore un bon moment, s'arrêta et commenta l'histoire que les deux filles du Simasong venait de lui répéter...Il devait y avoir un exemple, prison ou gros dédommagement, car dans ces établissements, une fille qui chante à qui l'on offre des guirlandes de fleurs voire quelques billets doit aller s’asseoir près des donateurs et qu'il y ait des mains baladeuses ne doit pas étonner qui que ce soit, jalouse ou non, si elle ne mesure pas bien ces risques, elle doit trouver un boulot de jour. Il continua en disant que le groupe devra payer, ce ne serait pas juste une main courante qui serait inscrite avec arrangement à l'amiable entre les deux parties mais plainte serait déposée et irait jusqu'au bout et on devrait peut-être devoir revenir lorsque la police aurait mis la main dessus le fuyard.
On repartit, le crépuscule s'affaissait sur les rizières, les buffles et zébus rentraient dans les fermes, nous, après un léger stop chez Da, rejoignions aussi nos pénates, les deux farangs devaient être devant le bureau métallique où le flic grâce à deux doigts devait écrire la plainte, sur un ordinateur, modernisme oblige, mais cela n'irait sûrement pas plus vite du temps des vieilles Remington pneumatique ou non...
On peut dire que palabrer n'est pas une spécialité africaine, l'ISAN n'est pas en reste, sous un baobab ou à l'ombre des cocotiers et des postes de polices pourquoi tout est possible et le bavardage va bon train !
Le dénouement après ma rencontre avec l'américain au marché de Sélaphum, histoire de quelques palabres de plus.
Il y a peu, trois semaines après les faits relatés, le garçon fuyard était revenu, l'américain se rendit au poste, l'anglais était retourné vers son bord de mer, la Tom boy, Mae, Bec de lièvre et Jojo la poudre d'escampette se virent donc convoqués au poste de police. Les fautifs s'excusèrent et proposèrent de l'argent contre la prison et prendrait en charge les frais de court et de police (« ben oui, tout de même »). Mae avait affabulé, apparemment pas de main au séant, elle voulait juste remettre une couche sur les farangs pour atténuer la peine de la fille jalouse et la chanteuse faisait toujours dans les abonnés absents. L’américain et sa femme acceptèrent la compensation financière, 20 000 baths à l'entendre, la bande de jeunes exprimèrent leurs regrets et s'excusèrent platement, le tout additionné de grands renforts de Waï très haut sur le front... L'américain avait repris ses bonnes couleurs, lorsque je le vis de nouveau et qu'il me raconta cette fin de l'histoire ; avant de se quitter, il me dît une dernière chose à propos du chef de la police qui fît un grand cours de moral aux jeunes et que la prochaine fois ce serait sans concession direction ZONZON et il réussît à dire à l'américain qu'il fallait toujours faire attention dans les pays chauds à, « où est-ce que l'on s'asseyait et à coté de qui ! » et surtout à « où est-ce que l'on mettait les mains ! »...Moral du chef de la police mais qui apparemment l'avait dit avec un grand sourire, le tout se terminant par un rire forcé voire crispé, histoire de dire qu'il fallait l'emmerder le chef des flics de Sé, qu'il ne reprenne personne la main dans le sac sur un baton, cela allait barder !
Paille Kheundheu...
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