Interview : Partir en voyage grâce à la Bourse Zellidja

Publié le 14 février 2013 par Lesbaroudeurs @lesbaroudeurs1
Partir en voyage quand on est jeune, plein d’idées et sans le sou, c’est possible, notamment grâce à l’association Zellidja. Sacha en a bénéficié en 2006. Il raconte…

1. Bonjour Sacha. Tu es parti au Cambodge grâce à l’association Zellidja. Peux-tu nous en dire plus sur le but de cette association et les conditions à remplir pour prétendre à cette bourse de voyage ?

La philosophie de la Fondation est extrêmement simple. Elle est la même que celle établie par le fondateur, Jean Walter, en 1939. Il s’agit d’attribuer des bourses de voyage à des jeunes afin qu’ils puissent partir à la découverte du monde, se confronter à la réalité et apprendre toute sorte de choses qu’on ne leur apprendra jamais sur les bancs du lycée, de l’université ou d’une école quelconque. Les jeunes qui souhaiteraient faire acte de candidature doivent avoir entre 16 et 20 ans au moment où ils partent pour leur premier voyage. Pourquoi ? Car, d’une part, il faut bien limiter un peu le nombre de candidats et, d’autre part, la philosophie de la Fondation repose surtout sur l’idée qu’elle est valable pour un esprit jeune (et donc encore un peu malléable et/ou sans a priori), un esprit qui sera peut-être marqué à vie par son expérience de voyage en solitaire. Le voyage en solitaire ne peut poser son empreinte indélébile que dans un esprit qui n’est pas encore (mal)mené par des considérations professionnelles, politiques…etc. Après avoir vécu l’expérience Zellidja puis vieilli de quelques années, je suis assez d’accord avec ce principe.
Les autres conditions sont qu’il faut être francophone (mais pas forcément français), présenter un projet écrit qui implique de voyager en solitaire et pour une durée minimale d’un mois, pouvoir se présenter à un entretien en France et, enfin, partir entre juin et décembre de l’année.

2. Quel était ton sujet d’étude et comment l’as-tu choisi ?

Mon sujet d’étude s’intitulait « Sur les traces des khmers rouges – entre mémoire et histoire ». J’ai présenté ce projet en 2006, j’avais 18 ans. Dans le cadre de mes études et de quelques recherches, je m’étais intéressé à la période du régime communiste au Cambodge, au génocide ainsi qu’à la procédure mise en place depuis le début des années 2000, en partenariat avec l’ONU, afin d’instaurer un tribunal spécial chargé de juger les anciens dirigeants génocidaires. Je me suis assez vite dit que cela ferait un beau sujet. En 2006, malgré une croissance économique très forte, le Cambodge portait encore des traces de cette période noire. Cela ne faisait que quelques années que Pol Pot était mort, que les derniers contingents khmers rouges, cachés dans les montagnes au Nord, avaient cessé d’exister, et seulement quelques mois qu’un autre dirigeant, Ta Mok était mort. Il y avait donc de quoi faire, de quoi voir et de nombreuses personnes à qui parler.

Dans les rues de Phnom Penh, 2006 – Cambodge

3. As-tu des conseils à nous donner pour la préparation du dossier de bourse ? Quelles questions t’ont été posées par le jury lors de ton oral ? Quels sont leurs critères de sélection ? En ce qui me concerne, j’ai apprécié faire d’une pierre deux coups, c’est-à-dire que j’ai choisi un thème de voyage qui avait un lien avec mes études de droit et mon goût particulier pour le droit et les relations internationales. Cela a permis de confronter mon apprentissage théorique à la réalité du terrain.
Il faut ensuite préparer un projet assez précis, qui comporte notamment un budget (ce qui implique de bien connaître les tarifs locaux et donc de se renseigner) et un itinéraire (là aussi il faut bien étudier ce qu’il est possible et intéressant de faire). Il faut avoir un fil directeur bien établi, savoir où l’on va et pourquoi. On a bien sûr le droit de s’arrêter quelques jours dans un endroit touristique ou pour visiter des monuments ou des lieux particuliers (on y va aussi pour ça !) mais il ne fait pas perdre le fil de l’étude, et cette démarche donne vraiment un sens au voyage, qui par ailleurs est assez long (ce qui permet aussi de modifier son programme en fonction des circonstances particulières).

Ta Phrom – Cambodge

Le jury est surtout là pour voir si le candidat semble débrouillard, vraiment motivé. Il s’agit réellement de le rencontrer et de le connaître et non de le mettre en difficulté ou de procéder à un entretien d’embauche. Ensuite, le jury pose quelques questions afin d’obtenir des précisions sur le projet, voir si le candidat maîtrise son idée mais, encore une fois, je crois que c’est plutôt dans une démarche d’accompagnement du candidat et non pour le déstabiliser (j’ai fait partie d’un jury à Tours en 2008, l’ambiance était bonne et les candidats un peu stressés ont vite été rassurés). Enfin, le jury doit nécessairement sélectionner les projets. Là, de nombreux facteurs peuvent entrer en jeu et certains candidats sont forcément déçus de ne pas pouvoir partir. Toutefois, l’expérience est bonne pour eux aussi et les plus motivés trouveront d’autres sources pour financer leur projet.

4. Une fois sur place, comment as-tu mené à bien ton projet ? As-tu réussi facilement à rencontrer des interlocuteurs pour faire avancer ton projet ? Quelles difficultés as-tu rencontré ?

C’était mon premier grand voyage et grand dépaysement donc. A vrai dire, j’ai eu besoin de quelques jours pour prendre des repères et me mettre à l’aise dans un pays comme le Cambodge. J’ai ensuite commencé mon périple en visant notamment des lieux connus et chargés d’histoire. C’est en suivant ce chemin assez simple que j’ai pu faire des rencontres, recueillir quelques témoignages et aller plus loin dans mon étude. Après trois semaines, j’étais tout au Nord du pays, là où très peu d’étrangers vont car il y a peu de lieux touristiques. C’est au Nord que les khmers rouges sont restés présents jusqu’à la fin des années 1990. Et c’est en interrogeant les gens, en vadrouillant un peu à moto avec un jeune homme qui me servait de guide, qu’on nous a indiqué l’endroit où Pol Pot avait été enterré, puis l’ancienne maison de Ta Mok…etc. Je me sentais un peu détective et j’ai pu ajouter des choses ou des photographies à mon rapport.

A moto – Cambodge

J’ai eu évidemment quelques difficultés pendant mon voyage. D’abord, je n’avais pas beaucoup de contacts sur place lorsque je suis parti, seulement quelques uns, que j’ai finalement à peine vus. C’est un de mes regrets. Heureusement, j’ai pu faire d’autres rencontres et discuter avec d’autres personnes. Ensuite, la langue, certains modes de transport, la roue de ma moto qui crève au milieu de la campagne… Il fallait apprendre à se débrouiller dans beaucoup de situations. Pour aller dans le Nord en pleine saison des pluies, il a fallu trouver des gens qui allaient dans tel ou tel village. Cela s’est fait très facilement. Une fois, nous étions une grosse douzaine sur un pick-up, et on a dû le pousser dans 40 ou 50 cm de boue. Une autre fois, la roue de ma petite moto de location a crevé au milieu de la campagne. En réalité, je me suis beaucoup amusé et je n’ai jamais vraiment vécu ces moments comme des difficultés. Par exemple, lorsque j’ai crevé au milieu d’une piste de campagne, cela faisait déjà quatre semaines que j’étais au Cambodge, et cela s’était déjà produit avec un guide à un autre moment. J’ai pris exemple et j’ai alors réagi plus comme un cambodgien que comme un français, c’est-à-dire que je savais très bien qu’un bonhomme pourrait me dépanner dans les 2 km à la ronde. Je suis allé tranquillement vers la première maison, quelqu’un m’a indiqué une direction à suivre, j’ai marché peut-être un kilomètre et un vieil homme m’a sorti de sa cabane une chambre à air michelin neuve et des outils. C’était assez drôle et a posteriori je me dis que j’ai vraiment changé entre les premiers jours où j’étais un peu perdu, dans tous les sens du terme, et les derniers où ces petites situations me semblaient tout à fait normales et faciles à gérer.

5. A ton retour, tu dois rendre un journal de bord et un rapport d’enquête. As-tu partagé ces informations avec d’autres organismes que Zellidja ?

A mon retour, j’ai dû rendre un budget détaillé (avec un maximum de justificatifs, qui constituent autant de souvenirs), un carnet de route dans lequel je racontais mon quotidien, mes expériences et mes rencontres un rapport d’étude sur le sujet choisi. En ce qui me concerne, j’ai opté pour le photo-reportage car j’avais du bon matériel et je m’appliquais beaucoup à faire des photos intéressantes ; j’ai évidemment écrit aussi pour délivrer mes constats et/ou réflexions. C’est un travail qui est reçu par la fondation et évalué par plusieurs personnes. On a évidemment un retour, on peut en discuter, évoquer certains points mais aucune note n’est donnée car ce n’est pas l’objectif. Très simplement, si le travail est satisfaisant, la fondation nous autorise à réaliser un second voyage, ce qui a été mon cas. Je suis alors parti en Argentine.

Sacha lors de son dernier voyage Zellidja – Argentine

Au-delà de la présentation de notre travail à la fondation, il nous est en plus demandé de nous engager à faire un peu de publicité pour Zellidja (c’est même une condition pour que la dernière partie de la bourse nous soit versée). J’ai donc représenté la fondation dans certains forums.
En revanche, au-delà de ces quelques évènements, j’ai assez peu partagé mon travail, d’une part parce qu’on ne me l’a pas demandé, d’autre part, parce qu’après un an ou deux, j’ai commencé à porter dessus un regard assez critique. Maintenant que j’ai vieilli, je trouve les réflexions que j’avais à 18 ans assez naïves et parfois mal exprimées ou dans un style un peu lourd. Mais bon, il faut forcément passer par là ; on évolue. Et je garde de cette expérience un souvenir excellent.

6. Quel a été ton plus beau souvenir de voyage grâce à Zellidja ?

Certainement quelques rencontres, notamment une. Lorsque je me promenais dans les alentours de Pursat, un jeune homme de 16 ans, donc pas beaucoup plus jeune que moi, m’a tendu une chaise et m’a dit qu’il voulait pratiquer son anglais et discuter un peu avec moi. Nous avons discuté puis je suis resté finalement deux jours de plus à Pursat afin que nous visitions ensemble plusieurs endroits. J’ai rencontré sa famille, qui m’a invité à manger. Il m’a emmené voir ses grands parents dans la campagne, qui nous ont fait faire le tour des rizières ; celles que je n’avais vues jusqu’alors que depuis les routes, parfois seulement au travers des fenêtres d’un autobus. Puis, grande surprise, nous avons rejoint les paysans du coin, mis les pieds dans l’eau et ils m’ont appris à planter du riz. On a beaucoup rigolé et moi, sortant parfois de mon corps pour observer la situation et prendre un peu de recul, je me suis dit plusieurs fois « tu es en plein milieu du Cambodge à planter du riz avec les paysans du coin », quelle chance et quelle expérience ! Lui n’avait pas d’ordinateur mais je lui ai laissé mon adresse mail dans un cahier. Quelques temps plus tard il m’a écrit depuis son université. Aujourd’hui nous avons chacun facebook à la maison. Je le reverrai un jour, c’est certain.

Rencontres Zellidja – Cambodge

7. Tu peux partir une seconde fois grâce à l’association. En as-tu bénéficié ?

On peut effectivement partir une seconde fois avec l’accord de la fondation, sur la base du travail fourni à l’issue du premier voyage. Ce n’est pas une obligation donc le choix est évidemment personnel. Mais lorsqu’on a goûté à ce genre de voyage une fois, on veut généralement repartir assez vite. C’était mon premier grand voyage au-delà des frontières françaises et européennes et depuis, j’ai visité de nombreux autres pays, sur différents continents. Difficile de ne pas avoir une pensée pour la fondation lorsqu’on monte dans l’avion.

Informations complémentaires :

Réservé aux jeunes francophones de 16 à 20 ans

Dépôt des dossiers pour un premier voyage : le 31 janvier.

Le site de l’association Zellidja.

N’hésitez pas à poser vos questions à Sacha via notre blog si vous souhaitez préparer un dossier de bourse.

Vous aussi, vous avez bénéficiez d’une bourse Zellidja ? Parlez-nous de votre expérience.


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