En cette période de fin d'année, à peine sortis des cantiques de Noël et de sa fièvre acheteuse, à l'approche du grand défouloir lié au passage d'une année à l'autre, je voulais vous conter l'histoire d'une personne que je connais seulement par l'intermédiaire de facebook, mésaventure qui ne m'a pas laisser indifférent ! Je disais « ami facebook » mais j'oserai dire un peu plus, nous avons aussi une relation épistolaire et nous nous sommes aussi entretenus par voix téléphoniques ! Une sorte de coup de gueule, pas de trêve des confiseurs lorsque l'on est indigné !
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Je ne sais pas si vous vous souvenez de mon dépit lorsque l'année dernière lors des grandes inondations qu'avaient submergées la ville de Bangkok, le consul de France me fit traverser de l'ISAN vers la capitale Thaïlandaise, 600 bornes dont les 100 derniers seront les roues dans l'eau, c'est vous dire la rapidité du mouvement ; donc il fallut ma petite famille et moi nous rendre à l'ambassade pour se faire notifier le refus ou l'acceptation de demande de nationalité française faite par ma Dame Oy un an plus tôt ! Gêné, le consul nous fit part du refus de l'administration française d'accepter parmi ses concitoyens ma femme, mariée depuis 13 ans avec un français, c'est-à-dire moi Jeff de Pangkhan, elle-même ayant vécu en France et y séjournant régulièrement tous les ans, je rappelle aussi qu'elle est la mère d'un enfant binational, un « Louk Khrung » (moit-moit), eurasien, enfin pour faire court un jeune garçon franco-thaïe du nom de Tangmoo pour son « Chu len »(nom plaisanterie-petit nom), Jeffrey pour l'administration française (thaïlandaise aussi d'ailleurs), qui lui-même est né en France !
Motif du refus : « Ne parle pas assez correctement la langue de Voltaire » (Voltaire, cela change de molière, non ?) !
Dans les textes de loi (ou décret) régissant les motifs d'attributions ou de refus de la nationalité française, dans le paragraphe concernant la maîtrise de la langue, il était stipulé : « Doit maîtriser la langue française dans la mesure de sa condition sociale ». Vaste programme, non ? À l'ambassade, personne ne sut me dire de quoi il en retournait de cette phrase très bureaucratique. Un texte qui peut s'apparenter à un grand sac fourre-tout où toute interprétation est possible. Je ne pensais pas que ce serait un obstacle, vivant depuis dix ans en ISAN où la première école où l'on peut apprendre le français est à Bangkok, parlant en lao au village de Ban Pangkhan, même entre nous, Oy et moi, nous ne parlons pas en français. Ma femme voulait juste être française parce qu'elle s'est dit que si je passais à trépas, elle aurait la possibilité d'accompagner son fils, grand, lorsqu'il voudrait alors se rendre en France visiter sa famille, étudier qui sait, sans être alors obligée de demander un visa quelconque, surtout lorsque l'on sait la difficulté grandissante d'obtenir des visas désormais ! Alors que dit l'avenir ? Dans l'immédiat, je ne crois pas que cela ira en s'arrangeant...
Mais revenons à notre sujet et à la mésaventure de cet ami !
Cette personne décide donc de concrétiser une jeune histoire d'amour en désirant se marier avec une thaïlandaise...Pour arriver à la finalisation du mariage thaï et français, en étant bien organisé et rompu au démarche administrative autant française que thaïlandaise, « cela le fait », patiente, persévérance, de l'argent aussi, en effet, il faut aller et venir sans cesse entre les différentes administrations, les traductions, les certifications mais ces deux tourtereaux, après un temps que je trouvais record car tout s'est bien enchaîné, se sont donc mariés. Certificat thaï avec le beau Garuda en guise de tout en-tête des papiers officiels de l'administration thaïlandaise, celui-ci, si il est comme celui que nous avons reçu ma femme et moi en 2000, en quadrichromie, sera prêt à mettre sous cadre pour l'accrocher en bonne place dans son salon pour l'éternité et puis pour le coté français, le livret de famille...Jusque là tout se passe normalement !
Où cela se complique, c'est que ces deux tourtereaux ne veulent pas vivre en Thaïlande, enfin le voudraient peut-être bien mais ne le peuvent pas, le marié à un travail et est encore trop jeune pour rester à glander au pays du sourire, il faut donc faire venir madame en France et demander un visa, un visa spécial, visa Schengen, une sorte de visa « rapprochement familiale », un visa mariage tout simplement. En mon temps, automatiquement les services de l'ambassade le délivrait sur simple demande. Désormais pour l'obtenir, il faut passer par un organisme privé, une société, la société TLS qui gère toutes les demandes de visa quelles qu'elles soient pour venir en France ; tourisme, affaire, étudiant etcétéra...Et bien-sur, ce service est payant en sus des tarifs habituels des visas ! Mais là ne s'arrête pas la difficulté ; depuis l'année dernière pour obtenir le sésame, il faut passer un examen de la bonne maîtrise du français, voire les fameuses questions sur la société et l'histoire de France ! Casse la tienne, notre jeune mariée se rend à l'examen, elle parle français couci-couça, une place s'est libérée à la dernière minute, elle répond correctement, peut-être plus ou moins bien mais de toute façon, elle veut juste aller en France avec son mari d'autant plus qu'arrivée sur le sol de l'hexagone, elle devra s’acquitter de 500 heures de cours de français gratis et au terme de ces heures d'école forcée (ce qui est bien à mon avis, maîtriser un minimum de français pour vivre en France, c'est plutôt bien non ?), elle aura une journée d'examen et d'instruction civique pour lui expliquer la bonne moralité et les valeurs de la république française.
Résultat de son test d'aptitude à la langue française: Négatif ! Oups...La personne qui valide le test est partie vite pour ne pas se justifier de son évaluation...le hic est que seul un candidat au test a reçu la mention OK, elle avait participé au cours de l'alliance française de Bangkok, les autres à qui on a refusé la mention OK étaient « autodidactes » ! Étrange ou bizarre...Comme c'est bizarre...
Du coup notre jeune mariée ne pourra pas accompagner son mari en France, il doit rentré pour le travail...C'est proprement dit du n'importe quoi ou une arnaque organisée ?
La jeune mariée devra prendre des cours à l'alliance française de Bangkok, puis redemander un visa et repasser l'examen et bien-sur payer les cursus de cours à Bangkok, se loger et se nourrir dans la capitale pendant ce temps là, eh oui car tous les thaïlandais n'habitent pas à Krung Thep, elle devra s'acquitter d'une nouvelle demande de visa auprès de TLS et la payer bien évidemment et même si elle raterait encore son examen, on ne pourrait lui refuser son visa pour rejoindre son mari (c'est la loi), mais elle aura déboursé tout de même pour les cours, le nouveau visa, la vie dans la capitale quelques dizaines de milliers de baths...Alors une sorte de racket organisé ? Si ce n'est pas le cas, cela y ressemble !
Si son mari ne peut revenir la chercher pour venir en France pour des raisons financières ou temporelles, elle devra voyager seule pour la première fois vers la France, affronter les regards suspicieux de la police des frontières sur la validité de son visa dès l'atterrissage à CDG, alors que si elle avait voyagée dès la première fois avec son mari, tout ce serait passé un peu comme une lune de miel...Là, elle aura une toute autre vision de l'arrivée sur le sol français, de la perception qu'elle aura de notre pays si ce n'est déjà fait par cette première mésaventure qui je l'espère se terminera bien pour nos deux tourtereaux !
Je terminerai en disant que cela ne m'étonne pas qu'il y ait de plus en plus de sans papier en France, avec toutes les barrières que l'on met pour l'obtention d'un visa, il est plus facile de sauter par dessus un grillage du coté de Ceuta ou en Grèce que de se perdre à demander un visa en bonne et due forme à une administration européenne quelconque qui si vous ne faites pas parti des nantis vous sera quasiment ou systématiquement refusé. À vouloir trop contrôler l'immigration des personnes alors qu'on laisse sous couvert de mondialisation les capitaux se déplacer comme ils veulent, à vouloir mettre trop de règles au flux des personnes, on crée des clandestins qui vivent dans la peur de l’expulsion, clandestins qui sont de la bonne main d’œuvre pour certaines personnes bien de chez nous, qui en abusent et qui font peut-être parti de ces personnes qui se targuent de commentaires sur la planète FB, s'indignant de la mauvaise histoire de nos deux tourtereaux, personnes qui s'indignent de voir trop de sans-papier en France, squattant « leur » France et qu'ils ne pas soient obligés, eux, de passer les examens de français...J'en ris encore, quoique c'est un rire jaune. Il ne manquerait plus que ça que des clandestins soient obligés de passer tous ces contrôles et examen pour pouvoir travailler au black, sans aucune sécurité, sans aucun droit, dans la peur de se faire expulser non mais...D'ailleurs, on n’appellerait plus ces personnes, des clandestins ! Mais cela doit rendre service à certains, ce n'est pas possible autrement !
En ces temps de charité chrétienne (oui car Noël c'est tout d'abord ça) et des souhaits à veau l'eau de bonne année et meilleurs vœux, il faudrait peut-être réfléchir au monde que l'on est en train de créer avec toutes ces frontières que l'on érige, quelles qu'elles soient, frontières qui sont de plus en plus infranchissables pour la plupart des citoyens du monde...Alors je le dis haut et fort, à nous les privilégiés de la terre, « Attention au retour de bâton ! »
Paille Kheundheu...
PS : Vous l'aurez compris, cela n'a rien à voir avec le président actuel, il est loin de faire parti de mes favoris mais à ceux qui le critiquent à tout va et ils sont nombreux, ne devraient-ils pas regarder un peu plus objectivement dans le rétroviseur ! Mais ce cher Président Hollande ne devrait-il pas, lui aussi, mettre le turbo pour amender ces lois sur l'immigration qui se sont empilées au fil du temps et des gouvernements successifs ; du moins, il avait dit qu'il le ferait ; Cela permettrait d'éviter ce genre de mésaventure que je viens de vous narrer !
« Et si on parlait bouquins (4) ! Les éditions GOPE.
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