Exposition de Chino Otsuka

Publié le 31 juillet 2012 par Cardigan @onlyapartmentsF

Nous ne sommes toujours pas en mesure d’évaluer le formidable impact qu’eut l’irruption de la photographie dans nos vies. Non seulement l’apparition du procédé mécanique qui remplaçât la production d’images formées par l’exposition aux vapeurs d’iode sur les plaques d’argent poli ou de cuivre argenté du daguerréotype, avec ses évocatrices résonances alchimiques non complètement perdues à postériori avec le passage au développement de la pellicule en chambres noires avec ces émulsions magiques d’un extraordinaire et subtil pouvoir corrosif mais surtout la multiplication massive et omniprésente de ces reproductions essentiellement fantômes de la réalité laquelle ils ont finalement complètement remplacé. C’est, bien sûr, la question de fond, parce qu’en fait la photographie, quelque soit le support et les matériaux utilisés est presque aussi ancienne que l’histoire de l’humanité et joue un rôle fondamental dans certains des mythes constitutifs de la culture en Occident.

Peut-être l’un des sujets les plus inquiétants en relation avec l’image photographique est la façon dont elle est liée à la mémoire et au souvenir, car nous savons maintenant par la neuroscience comme nous l’avait déjà suggéré à plusieurs reprises un certain nombre de philosophes et de poètes, elle nait, vit et parcourt les mêmes paysages qui sont propres à l’imagination, pouvant aussi s’identifier avec une région de cette dernière. La relation de la photographie avec la mémoire est aussi ambiguë, riche, contradictoire et conflictuelle que celle entretenue avec ce que nous appelons la réalité et un des principaux sujets abordés par cette exposition rétrospective des dix dernières années de travail de l’artiste japonaise Chino Otsuka qui peut être vue jusqu’au 9 Septembre prochain au Musée de la Photographie Huis Marseille à Amsterdam (http://www.huismarseille.nl/en/exhibition/chino-otsuka-a-world-of-memories).

L’exposition comprend également deux installations vidéo récentes désignées par le terme “Mémoriographie” (1 et 2 respectivement) et une œuvre spécialement réalisée pour l’exposition qui comprend la recherche et la compilation des traces que les japonais laissèrent dans  l’histoire hollandaise du XIXe siècle, ce qui seulement en apparence suppose une certaine distance de l’utilisation de Otsuka de l’auto-portrait comme méthode d’exploration de son identité culturelle. Comme dans le reste de son attrayante production photographique, la principale préoccupation de cette artiste japonaise de quarante ans, élevée principalement depuis son enfance en Angleterre dans des internats expérimentaux à caractère libéral où les élèves eux-mêmes dirigeaient le cours de leurs études et plus tard à l’Université de Westminster et le Royal Collège de Londres, semble être l’investigation au sujet de sa propre identité à travers une série d’autoportraits dans différents lieux auxquels parfois elle a appartenu qui questionnent d’une manière non étrangère un certain sens littéraire, la façon dont les photos conservent, construisent ou inventent nos souvenirs.