La nuit fut très fraiche ! On dormait bien dans nos futurs duvets de randonneurs ! A la différence de Dakha où la chaleur nous prit à la gorge , une sensation dont je n'ai pas parlé d'ailleurs. Depuis le temps où à chaque débarquement d'Europe, à la sortie des aéroports « hyper climatisés » , on se prend une bouffée de chaleur , on oublie de le signaler mais c'est un fait marquant des voyages en Asie du sud : La chaleur et l’humidité qui si on ne s'y fait pas, eh bien, vous fait revenir en Europe, sans l'envie de revenir dans ses contrées « hammamesques ».
Notre « expédition » avait du retard et le départ vers la rivière devait se faire par le premier bus. Dans la fraicheur du matin en compagnie de notre jeune guide, Prabin, nous traversions la ville en[...]
éveil. Les habitants, emmitouflés dans de grandes couvertures, la tête enroulée dans de longues écharpes se rendaient, soit à leur ablution matinal ou vers de petits temples, nichés dans les recoins de chaque rue et maison, pour y faire leur première prière du jour. Nous étions plutôt des extra terrestres pour eux, habillés en « trekkeur de l'impossible », avec nos gros sacs et notre matériel flottant conséquent. Les gens ne faisaient pas attention à nous ! Ils devaient en avoir déjà vu, en pagaille de « ces aventuriers » en quête de sensations alors que eux ne cherchaient qu'une seule chose , s’échapper de cette même montagne où la vie était rude, à la rendre moderne avec des routes et ne plus être obligés d’être de simples des bêtes de sommes portant sur le dos ce que un camion se chargerait si il avait la chance d'avoir une route pour aller dans leur village. La capitale népalaise se fermait pour les fêtes de Dipawali et nombreux étaient ceux qui retournaient dans leur village d'origine pour visiter leur famille.
Pour rejoindre « notre rivière », nous devions emprunter la route du camp de base de l’Everest, notre arrêt était prévu à 80 kilomètres de notre point de départ, on s’arrêterait au niveau d'un pont puis nous descendrions une partie d'une rivière nommée « La Trisuli », qui d’après mon ami organisateur du « raid » était une rivière que personne (bon OK, très peu) n'avait descendu en groupe et que les agences de rafting népalaise ne proposait pas encore ! Nous serions alors des « explorateurs », ta tata !
Arrivés à la gare des bus, le jour se levait, nous chargions notre bardas, énorme à l'appréciation du chauffeur, sur le bus... Prabin nous donna nos tickets, soit disant réservés , des tickets roses, je m'en souviens bien , dont tous les renseignements concernant le trajet étaient évidemment d'une écriture étrangère, ronde et inconnue qui me semblait être plutôt des hiéroglyphes, dont nous ne comprenions rien !
« Départ 6h30 » gueulait l'encaisseur-controlleur !
A 6h30, nous n’étions que nous ? Pas habitués à l'Asie, nous ne savions pas que nous ne partirions pas à l'heure. Installés dans un bus TATA(eh eh... toujours !) , les genoux comprimés dans des espaces entre les sièges très étroits, faits pour les népalais qui sont des personnes plutôt de petites tailles ! Sagement nous attendions et petit à petit, les passagers rentraient et s'installaient dans la rangée de siège de trois ou deux places assises ;cinq de front ! l'occidentale n'avait qu'à bien se tenir et ne pas avoir de problèmes de sur-poids. Le bus commençait à se remplir fortement et deux autres garçons de l’expédition, très grands(enfin plus grand que moi ) ont alors vite compris. Les népalais montraient leur ticket en expliquant qu'on était assis à leur place, on y comprenait rien, et par un système du jeu des chaises musicales, nous serions bientôt sans place assise ! Le plafond du bus culminant à un mètre cinquante, les deux filèrent sur le toit où, malgré le monde, ils réussirent à s'accroupir avec la population locale. Moi, m'amusant de la situation, je restais debout, comme un con, si si, il faut le dire, la tête penchée sur le coté et comprimée par devant et par derrière au milieu de l'allée du bus, par une foule profitant du festival des lumières pour rejoindre leur village .
Le bus s’ébranla tout de même, ne sachant plus quelle heure il était ! Pendant deux heures et demi, nous avons avancé pour nous arrêter dans un village dédié à la route, tout en long, fait de baraquement offrant aux voyageurs en bus, minibus et autres véhicules, la possibilité de se nourrir, et plus si affinité. Nous avons mangé un Dal Bat(riz aux lentilles), le plat national mais avec un bout de poulet pour nous, poulet qui avait du faire le tour du patelin avant qu'on l’attrape tellement il était dur mais, standing oblige, nous étions des étrangers avec les moyens de manger de la viande ! Nous n'avions pas fini de manger et le bus claironnait depuis un bon moment pour nous annoncer le départ imminent mais Prabin, notre jeune guide nous disait que notre statut privilégié ne nous soumettait pas aux horaires de la populace , pourtant nous voyagions avec elle, quel dédain ! Mon ami me dit plus tard qu'il était, Prabin, issu de la famille royale et qu'il avait peut-être l'habitude de ce comportement ! 15 ans plus tard, l'histoire a montré que les népalais ayant ras le bol de ses petits seigneurs avaient viré leur roi et leurs descendants et cousins et j'en passe. Enfin nous sortions du gourbis pour reprendre nos places respectives, moi je voulais monter sur le toit pour le reste du voyage ! Hors de question que je continue de voyager la tête sur mon épaule gauche puis la droite et ainsi de suite. Un coup a chopper le torticolis !
La surprise fut totale lorsque nous avons vu qu'il y avait encore plus du monde qui avaient grimpés dans le bus, profitant de l’arrêt buffet. Désormais le bus dégorgeait de partout... On aurait dit des raisins bien mûrs sur leur grappe ! Je tentais de monter sur le toit et en équilibre sur le bord incurvé du toit , le bus partit tout de même . Je me penchais en avant pour l’équilibre, mon pied gauche glissait irrémédiablement vers l’extérieur, je m’accrochais à un petit mec devant moi, lui, solidaire ou allait-il aussi tomber, me tenait le mollet pour éviter alors à ma jambe de riper vers l’extérieur et de me vautrer dans le vide . Plus on avançait, je me retrouvais quasiment allongé sur les gens et je me disais que j'allais gueuler pour dire au chauffeur de s’arrêter et que je réintègrerait l’intérieur. Sur mon nez j'avais le cul d'un népalais qui en équilibre tentait de protéger de l’agression des passagers, une armoire en fer ornée d'un superbe miroir et qu'il voulait surement ramener chez lui en bon état dans sa famille.
On verrait, le lendemain, l'armoire passée à dos d'homme, à flanc de montagne lorsque nous descendrions enfin « notre rivière ». Un reflet de soleil dans le miroir de celle-ci nous indiquerait qu'il avait réussi, le bougre, à sauver de l'écrasement son armoire! Enfin, le bus avait du mal à avancer, première , seconde, arrêt pour croiser d'autres véhicules descendant ou montant le col, je ne sais plus. Moi, toujours accroché, étalé c'est plutôt le mot, sur les népalais qui ne disaient rien, résignés, ils étaient, et pourtant même si j’étais plutôt mince à l’époque, je faisais mon poids ! Après la peur de glisser puis de tomber, la peur du passage du bus à ras du précipice, notre charrette à moteur s'immobilisa dans un grand fracas ! On venait de s'affaisser de vingt centimètres, un peu comme lorsque vous avancez dans un étang boueux et que tout d'un coup vous vous retrouvez avec de la boue au niveau des genoux alors que la seconde précédente vous n'aviez que les chevilles recouvertes de vase ! Cela a donc fait un « PATATRAC » ! Plus un bruit. Un doux silence après un cri de stupeur ! Ceux qui étaient les plus proches du bord sautèrent à terre(comme moi,enfin) et le chauffeur et le vendeur de billet, équilibriste dans sa seconde nature car à chaque encaissement des tickets, passant par les fenêtres et glissant vers le cul du bus pour le contourner et renter vers l’arrière n'oublierait aucun des passagers, même ceux qui pensaient que coincés comme ils étaient, ils éviteraient de payer ! Eh bien non ! Notre jeune funambule à la petit sacoche, ses mains garnies de Roupies népalaises pliées en deux dans le sens de la longueur et entasse par valeur dans l'interstice de ses doigts, encaisserait tout le monde sans oublier personne! Même ceux qui durent continuer à pied ! Eh oui car ce qui devait arriver, arriva ! Ils n'avaient peut -être fait que quelques kilomètres mais cela avait son cout, non mais ! Nombreux sont ceux qui ont continués à pied d'ailleurs car contraints et forcés par le chauffeur, le contrôleur et deux trois mécanos de l'assistance !
Le bus surchargé avait plié. Quelques lames de ressort de la suspension arrière avaient cédé ! Alors là, il ne faut pas vous attendre à un bus de remplacement, il faut juste attendre qu'il reparte ! Enfin qu'ils retirent les lames de ressort défectueuses. Vous vous rendez compte du boulot : Soulever le bus, le caler avec les moyens du bord puis défaire les accroches de lames de ressort , retirer celles qui ne pouvaient plus supporter quoique ce soit, les remplacer par d'autres qui étaient ranger dans un coffre (cela devait donc leur arriver fréquemment alors?) puis virer un tiers du chargement et de ses passagers ! Après deux heures, je pense, nous pouvions repartir ! Nous doublions dans la montée, ceux qui avaient eux l'obligation, l'injonction de continuer a pied ,malgré tout , ils nous firent des sourires comme tout ce peuple qui n’arrêtait pas de nous sourire ! Même virés du bus ! Imaginez que cela nous arrive à nous français, nous aurions gueuler et j'en passe ! Moi j’étais content car je me retrouvais debout mais sur la plate forme arrière, légèrement à l’extérieur, le moment le plus confortable de ce voyage en bus. Il était 13 H00 lorsque nous arrivions sur le pont où le bus s’arrêta pour nous déposer nous et notre matériel, tous prêts à descendre « notre rivière » ! Les autres passagers nous firent de grands gestes d'au-revoir jusqu'au moment où nous ne pouvions les voir, se demandant surement ce que nous faisions là au milieu de rien , que nous devions être d’étranges êtres humains pour se donner tant de mal pour se faire plaisir...Nous avions mis 8h00 pour faire moins de 80 kilomètres ! Mais on était heureux, nous avions fait notre baptême du transport en bus en Asie. Nous aurions quelques chose à raconter à nos petits enfants plus tard ! La preuve...aujourd'hui ! Penchés par dessus sur la rambarde du pont, je regardais la rivière, large et rapide. Elle était bien agitée mais pas le temps de se poser de questions, il fallait faire vite, il ferait nuit à 6 h 00 dans moins de cinq heures maintenant ! Pas question de s’installer au pied du pont, nous devions commencer notre descente !