Café stambouliote #11

Café du matin

#10

Café stambouliote

Istanbul est une ville qui confine à la mélancolie, le fameux hüzün dont parle Orhan Pamuk.

Dans la mystique soufie, le hüzün trouve son origine dans un sentiment de manque dû à notre trop grand éloignement de Dieu. On retrouve quelque chose de proche du hüzün dans la culture japonaise, associé à la noblesse de l’échec. Montaigne fait état d’une expérience similaire, avec ce sentiment de mélancolie face aux ruines antiques. L’architecture d’Istanbul, ses palais en ruine, son atmosphère en noir et blanc, tout cela contribue au hüzün que l’on ressent inévitablement lorsqu’on y habite ou simplement lorsqu’on s’y promène.

Cette mélancolie, on ne la ressent pas forcément tout de suite, il faut attendre un peu. Parfois même, elle survient lorsqu’on quitte la ville, ou alors lorsqu’on y revient et qu’on se dit que tellement de choses ont changé et que le fait de ne pas retrouver les mêmes choses au même endroit est le triste constat de l’impermanence du temps. Si je retourne à Istanbul dans dix ans, je ferai certainement le constat que lors de mon dernier séjour ; il me reste à espérer que je n’attendrai pas aussi longtemps pour revoir le Désir du Monde.

Istanbul est triste comme une femme qui se réveille et qui dit qu’elle n’est pas belle, avec ses cheveux en bataille, ses yeux encore fermés et le teint un peu terne, dépanaillée dans son pyjama froissé, mais ce n’est qu’un question de point de vue. Tout est dans le regard de celui qui l’aime.