Café du matin
#7
Café de rêves
Mes nuits sont faites de rêves dont je ne me souviens plus au petit matin.
Parfois, toutefois, je m’en souviens. Alors que je préférerais ne pas.
Je rêve souvent de situations dans des maisons que j’attribue à une connaissance, situation souvent improbable, avec des personnes dont le lien lui-même semble improbable, et souvent, ça se termine dans une débauche de sexe, improbable aussi.
Le réveil est rude, comme si j’avais vu des choses ou des positions que je n’avais pas voulu voir, ou alors parce que je suis dans un tel état qu’un assouvissement est la seule issue possible. Et je me réveille dans une sorte de malaise, parce que je me sens un peu coupable de ces situations que mon esprit a eu l’audace de générer. Culpabilité qui ne dure pas longtemps. Après tout, c’est normal, il y a bien longtemps que je ne suis plus catholique.
L’esprit créé des chimères bien étranges…
Les souris, les hirondelles, les milans savent bien que les statues ne sentent rien… et vous, vous les essuyez, vous nettoyez, et ces dieux que vous faites…
Minacius Felix
Mes rêves sont faits d’une matière argileuse, sensible, protéiforme ; ils sont organiques, faits de chair et de sang, de peau, de poils, de replis et de muqueuses, d’intérieur, d’extérieur, ils sont terriblement vivants, peut-être plus que la vie elle-même.
Riverside. Le temps passe lentement. Il n’a jamais été aussi lent.
Mes rêves n’appartiennent qu’à moi, ils sont ma propriété exclusive et je les exploite comme d’autres se servent de prisonniers pour l’exécution des basses œuvres. J’y fais à peu près tout ce que j’ai envie, dans la limite du raisonnable. En tout cas, de ce que j’estime être raisonnable.
Aussi, j’ai la chance de pouvoir m’introduire dans l’intimité de la chambre d’une femme. Je peux la voir se déshabiller, passer sous la douche, se sécher les cheveux, épiler quelques poils qui ont échappé à sa vigilance redoutable. Je peux la voir enfiler ses vêtements de nuit car elle ne dort jamais nue, un peu frileuse parfois, mais seulement la nuit. Je peux la voir se coucher dans la pénombre de sa chambre et la regarder passer ses jambes lisses sous la couette.
Je connais chaque recoin de son corps ; ainsi je peux, en fermant les yeux, imaginer la douceur de sa peau sur n’importe quelle partie de son corps, comme si j’en avais moi-même dessiné la cartographie.
Pourtant, à chaque fois, je la redécouvre après l’avoir découverte, car je suis le seul qui ait le droit de la déshabiller ainsi et de la voir nue.
Tout se qui se passe après reste reste dans la tombe de ses secrets. Et des miens.