C'est un scandale! Millicent avait prévu de continuer son guide des bonnes manières pour gallinacés modernes, et voilà que les humains (ça ne peut venir que d'eux) ont répandu une sorte de machin tout blanc, froid et mouillé partout! En plus, la chose est arrivée par traîtrise, alors qu'on ne soupçonnait rien...
Les poules (et le coq) se promenaient innocemment où ils n'ont pas le droit, dans le champs du voisin, quand elles ont vu arriver le petit humain. Elles se sont approchées, on ne sait jamais il pourrait amener à manger. Eh bien pas du tout, il s'est contenté de crier vaguement et de faire des grands moulinets vers la haie, comme pour les faire passer de l'autre côté, dans le jardin. Elles ont donc choisi de l'ignorer. C'est pile à ce moment-là que des petits bidules blancs ont commencé à tomber, ce qui a fait crier de joie le petit humain qui a arrêté d'essayer de les faire rentrer chez elles pour sauter partout. C'est suspect. Les poules et le coq ont donc opéré une retraite prudente, et sont repartis dans le jardin. Ça commençait à devenir blanc partout. Les volatiles se sont précipités sous le trampoline, pour tenir un conseil de guerre: on est assailli, le sol est tout blanc et clairement hostile, on fait comment pour rejoindre l'enclos, et donc la mangeoire?
Deux heures plus tard, les poules étaient toujours sous le trampoline, au sec, mais loin de l'enclos, et de plus en plus cernées par la neige. Heureusement, les petits humains sont sortis et ils n'avaient pas l'air d'avoir peur de marcher dans tout ce blanc, au contraire. Millicent, Nestor, Imogene et Philomène se sont donc aventuré, avec des grâces de flamand rose sauteur et ont fini par atteindre leur enclos. Ahaha, il y a un toit! C'est sec par terre et la mangeoire est sauvée aussi. Après avoir englouti un quintal de graines, elles se sont à nouveau concertées (Nestor ayant soudain retrouvé sa voix , braillait des cocoricos tonitruants dans un coin). Bon, c'est bien gentil tout ça, mais on va plutôt monter dans le poulailler se mettre complètement à l'abri, au chaud dans la paille. On s'en fiche qu'il fasse encore grand jour, on rentre, ça montrera aux humains qu'on est contrarié et qu'ils doivent enlever tout le blanc, allez ferme-là et viens Nestor.
Manque de chance, au réveil ce matin, c'était pire. Les quatre se sont pourtant précipités dehors mais se sont arrêtés net au seuil de l'enclos, allons bon, le blanc est toujours là. Heureusement, le grand humain, probablement pour se faire pardonner, a mis encore plus de graines que d'habitude dans la mangeoire. Millicent, Nestor, Imogene et Philomène se sont empiffrés puis ont tenu un nouveau conseil de guerre, massés en tas devant la sortie: on fait quoi? Tu veux pas aller voir Nestor, toi qui fais toujours le malin? Mais Nestor est retombé en enfance d'un coup, toute superbe envolée, non mais vas-y Millicent, c'est toi la chef. Philomène et Imogene l'ont approuvé, et Millicent, dans sa grande sagesse, a eu pitié de ces petits jeunes, bon allez, j'y vais. Bande de...euh... ben, de poules mouillées.
C'est comme ça que Marichéri s'est retrouvé à l'aube, plié de rire, dans la neige, avec devant lui une mini poule de soie, à moitié enfoncée dans la poudreuse, le cou tendu façon périscope à regarder partout avec l'air outré, pendant que les trois autres restés prudemment derrière elle et au sec, observaient. Franchement, la tête de cette poule....mais elle a réussi à convaincre les autres de l'absence de danger. En ce moment même, ils sont tous à nouveau sous le trampoline, je sens que le coucher va être comique.